Alors que la Belgique devait mettre un terme à son programme nucléaire en 2025, un revirement majeur vient de se produire. La Commission européenne a donné son feu vert à la prolongation de l’exploitation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3 pour dix années supplémentaires. Cette décision, qui engage les énergéticiens Engie et EDF, implique une facture colossale de 15 milliards d’euros pour Engie.
Un virage imposé par la crise énergétique
La Belgique avait pourtant acté la sortie progressive du nucléaire dès 2003 avec une loi qui prévoyait l’arrêt de ses sept réacteurs d’ici 2025. Mais la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie ont profondément modifié la donne. Le pays, initialement engagé dans une transition énergétique reposant sur le développement des énergies renouvelables et l’importation d’électricité, s’est retrouvé confronté à une dépendance au gaz russe et à une hausse insoutenable des prix de l’énergie.
Face à ces pressions, le gouvernement belge a négocié en 2023 un accord avec Engie et EDF pour prolonger Doel 4 et Tihange 3 jusqu’en 2035. Une enquête de la Commission européenne, initiée en juillet 2024, a ensuite évalué l’impact de ce soutien public sur le marché de l’énergie. Finalement, le 20 février 2025, Bruxelles a jugé cette aide « nécessaire et appropriée », tout en imposant certains ajustements pour éviter une distorsion de concurrence.
Un coût colossal pour Engie
Le principal acteur concerné par cet accord est Engie, qui exploite ces réacteurs via sa filiale belge Electrabel. Si cette prolongation garantit au groupe une source de revenus stable, elle s’accompagne d’une facture salée : 15 milliards d’euros devront être versés, dont une première tranche de 11,5 milliards dès 2025 pour financer la gestion à long terme des déchets nucléaires.
L’enjeu de la gestion des déchets est loin d’être anodin. Depuis plusieurs décennies, la Belgique étudie des solutions pour leur stockage définitif. Un enfouissement géologique profond a été retenu comme option privilégiée, avec des sites envisagés en Flandre, notamment à Mol et Dessel. Cependant, ce projet fait face à des défis techniques et financiers majeurs, et le transfert du risque vers l’État belge a soulevé de vives critiques.
Pour Engie, cette prolongation est en contradiction avec sa stratégie de désengagement progressif du nucléaire. Le groupe continue de privilégier les énergies renouvelables et la production décentralisée, ce qui rend cette extension plus subie que choisie.
Une nouvelle ère nucléaire pour la Belgique ?
Au-delà de cette prolongation, la politique énergétique belge pourrait connaître une transformation encore plus profonde. Le nouveau gouvernement dirigé par le conservateur Bart De Wever, en fonction depuis février 2025, envisage d’aller bien plus loin en prolongeant d’autres réacteurs et en lançant la construction de nouvelles capacités nucléaires. Son objectif ? Doubler la capacité nucléaire du pays, en atteignant 8 gigawatts au total, contre 4 GW aujourd’hui.
Mais cet ambitieux programme doit encore franchir un obstacle de taille : le Parlement belge. En effet, la loi de 2003 qui prévoit la sortie du nucléaire reste en vigueur, et toute modification nécessitera un vote législatif.