La relance de l’énergie nucléaire en France, annoncée avec optimisme, se confronte désormais à des réalités économiques et techniques plus sombres. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, souligne les nombreux « risques » et « surcoûts » associés aux projets en cours, notamment les six nouveaux réacteurs EPR2. Entre incertitudes financières et défis de mise en œuvre, le secteur nucléaire français, sous la houlette d’EDF, est aujourd’hui à un carrefour critique.
Des risques importants pour l’Etat et EDF
La Cour des comptes met en garde contre une précipitation dans la finalisation de l’investissement dans les réacteurs EPR2. L’absence de devis finalisé entre EDF et l’État soulève une incertitude majeure quant à la rentabilité du projet. L’État, en tant qu’actionnaire majoritaire, pourrait se retrouver exposé à des risques financiers accrus sans garanties de performance adéquates. « La rentabilité prévisionnelle du programme EPR2 reste, à ce stade, inconnue », a indiqué la Cour des comptes dans des propos rapportés par Les Echos. Les projections de rentabilité pour les EPR2 restent floues.
La Cour recommande de différer la décision finale d’investissement jusqu’à une meilleure clarification du financement et des coûts prévisionnels, une mesure soutenue par Luc Rémont, PDG d’EDF. Cette prudence vise à éviter de répéter les erreurs coûteuses du passé, notamment celles observées à Flamanville. Les estimations récentes à la fin de 2023 évaluaient les coûts des trois futures paires d’EPR2 à 67,4 milliards d’euros, basés sur les valeurs de 2020, montant qui s’est accru à 79,9 milliards d’euros dans la monnaie de 2023, selon le rapport. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a précisé lors d’une conférence de presse que, en intégrant les coûts de financement, la dépense totale pourrait excéder les 100 milliards d’euros.
Une réorganisation en interne déjà en cours chez EDF
Depuis le discours de Belfort en 2022, EDF a entamé une réorganisation pour renforcer la gestion de ses projets nucléaires. Cette réorganisation vise à clarifier les rôles de maîtrise d’œuvre et d’ingénierie au sein de l’entreprise. Cependant, ce processus n’est pas encore achevé, laissant persister des zones d’incertitude quant à la capacité d’EDF à mener à bien ces grands projets. De même, la stratégie d’EDF « ne permet pas encore de garantir la responsabilité des acteurs et les incitations à la performance qui sont indispensables à la réussite du programme EPR2 », peut-on lire sur Les Echos.
La mise en œuvre effective de la stratégie nucléaire de la France rencontre des obstacles considérables, notamment en termes de délais et de gestion des coûts. Le chantier de Flamanville en est un exemple édifiant, avec des dépassements de coûts et des retards qui ont marqué les esprits et érodé la confiance dans la capacité de l’industrie à livrer à temps et dans les budgets.
Des coûts de construction exorbitants
Le coût de construction de l’EPR de Flamanville continue de grimper, atteignant désormais près de 23,7 milliards d’euros, incluant les intérêts. Cette hausse des coûts révèle les difficultés techniques et les erreurs de gestion qui ont plombé le projet depuis son lancement. « Nous avons tiré les enseignements des projets passés : notre ambition est de mener un programme sur 20 ans qui soit compétitif et maîtrisé dans la durée », a précisé aux Echos, Nicolas Machtou, directeur des programmes nucléaires France d’EDF.
La rentabilité de Flamanville est désormais jugée médiocre, ne répondant pas aux attentes financières initiales. Cette situation est alarmante pour EDF et ses actionnaires, notamment l’État français, qui voient les perspectives économiques du projet se dégrader. Les répercussions de ces dépenses excessives affectent non seulement le bilan d’EDF mais risquent aussi d’influencer négativement les tarifs de l’électricité pour les consommateurs. Parallèlement, la capacité de l’État à soutenir d’autres initiatives énergétiques pourrait être compromise, mettant en péril les objectifs nationaux de transition énergétique.