L’OPEP+ relance sa production malgré des cours du pétrole en recul, la Bourse s’inquiète

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L’OPEP+ relance sa production malgré des cours du pétrole en recul, la Bourse s’inquiète | L'EnerGeek

Le 3 mai 2025, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses alliés au sein de l’OPEP+ ont annoncé une augmentation coordonnée de leur production de brut à hauteur de 411 000 barils par jour dès le mois de juin 2025. Sans surprise, la Bourse l’a mal pris…

Pétrole : Une hausse coordonnée et anticipée de la production

L’annonce du 3 mai a été confirmée par un communiqué officiel de l’OPEP, indiquant que les huit membres ayant déjà procédé à des ajustements volontaires en avril et novembre 2023 — Arabie saoudite, Russie, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, Kazakhstan, Algérie et Oman — réviseront à la hausse leur niveau de production, aligné sur le volume de mai (411 000 barils/jour), bien au-delà des 137 000 barils initialement prévus dans le plan de réintroduction graduelle.

Cette décision a été justifiée par l’OPEP comme une réponse à des « fondamentaux de marché sains » et à une volonté partagée de maintenir la stabilité du marché mondial de l’énergie. Toutefois, l’environnement actuel ne reflète pas une dynamique haussière : les prix du Brent et du WTI évoluent à des niveaux faibles, respectivement autour de 59,10 dollars et 55,68 dollars le 5 mai 2025.

État des marchés : baisse des prix du pétrole et fragilité de la demande énergétique

Les marchés pétroliers subissent depuis le début de l’année une pression à la baisse alimentée par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels :

  1. Ralentissement de la croissance mondiale, aggravé par la poursuite des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
  2. Demande pétrolière inférieure aux anticipations, en particulier dans les économies émergentes, avec un effet prolongé du ralentissement industriel asiatique.
  3. Persistance de niveaux de stocks élevés dans les principaux pays consommateurs.

La stratégie de l’OPEP+ semble désormais orientée vers une reconquête de parts de marché, plutôt qu’un soutien actif aux prix. Jorge Leon, vice-président chez Rystad Energy, a qualifié cette inflexion de « changement clair de stratégie », dans une déclaration à Le Figaro. Après plusieurs années de discipline sur l’offre, les pays producteurs misent à nouveau sur le volume, quitte à assumer un repli de leurs revenus unitaires.

Cette orientation est également perçue comme une tentative de préemption géopolitique. Une levée partielle des sanctions sur l’Iran ou la Russie, liée à des avancées diplomatiques sur le nucléaire ou en Ukraine, pourrait générer un afflux de barils supplémentaires sur le marché mondial. En augmentant leur production en amont, les membres de l’OPEP+ cherchent potentiellement à sécuriser leur position concurrentielle avant l’éventuelle arrivée de nouveaux producteurs.

Pétrole : l’OPEP+ règle ses comptes en son sein

Une autre lecture de la décision concerne la discipline interne au sein du groupe OPEP+. Plusieurs analystes, notamment Arne Lohmann Rasmussen de Global Risk Management, soulignent que l’augmentation pourrait être une forme de sanction implicite contre les États n’ayant pas respecté leurs quotas. Le communiqué du cartel mentionne explicitement que cette révision permettra aux pays concernés « d’accélérer leur compensation », confirmant l’existence d’un mécanisme correctif interne.

Par ailleurs, cette démarche pourrait être réversible. Selon La Tribune, les pays signataires se sont donné rendez-vous début juin pour une éventuelle « pause ou un retour en arrière » si les conditions de marché se détériorent davantage. Cela introduit une flexibilité tactique qui pourrait permettre d’ajuster l’offre en fonction de la réactivité des marchés financiers et de la consommation.

Impacts à moyen terme : effets différenciés selon les régions

L’ajustement de production aura des conséquences contrastées selon les zones géographiques et les profils de producteurs :

  • Pour les pays exportateurs à faible coût de production (Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis), la manœuvre pourrait rester viable même avec un prix du baril sous les 60 dollars, compte tenu de leur capacité à produire à des seuils rentables inférieurs à 30 dollars.
  • Pour les producteurs à coût élevé, notamment aux États-Unis (secteur du schiste), la rentabilité devient problématique. Ole Hvalbye, analyste chez SEB, estime qu’une persistance du prix du brut sous 55 dollars « compromet la viabilité économique de nombreux projets américains », relaye EnergyNews.
  • Pour les pays importateurs nets, notamment en Europe et en Asie, cette baisse des cours devrait se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par une réduction des coûts d’importation, avec un potentiel effet désinflationniste. Toutefois, l’impact sur les prix des carburants dépendra également des taxes, marges et effets de change.

Pétrole : une stratégie offensive à géométrie variable

La décision prise par l’OPEP+ en mai 2025 marque un tournant dans la gestion de l’offre mondiale de pétrole. À rebours d’une logique de soutien aux prix, le cartel adopte une posture plus agressive, visant une meilleure position sur un marché en mutation. Si cette stratégie peut produire des résultats en termes de part de marché, elle comporte des risques significatifs : amplification de la volatilité, affaiblissement des producteurs marginalisés, et perte de visibilité sur l’évolution des prix.

La prochaine réunion prévue début juin 2025 constituera une étape clé de recalibrage. D’ici là, les acteurs du marché scruteront les indicateurs de demande et l’attitude des pays producteurs non membres de l’OPEP pour évaluer la portée de cette inflexion stratégique.

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