Bernard Accoyer : cette PPE repose sur des considérations idéologiques

Bernard Accoyer : “cette PPE repose sur des considérations idéologiques”

nucleaire PPE Bernard Accoyer

La Programmation pluriannuelle de l’Énergie (PPE) a finalement été présentée fin novembre 2018 par Emmanuel Macron. Pour mieux comprendre sa décision de fermer 14 réacteurs nucléaires, L’EnerGeek a pu interroger Bernard Accoyer, l’ancien président de l’Assemblée nationale. Selon lui, les choix gouvernementaux en matière d’énergie pâtissent depuis trop longtemps d’arrières pensées idéologiques…

  • Que pensez-vous des orientations de la PPE dévoilées par Emmanuel Macron ?

Les décisions actées par la PPE, c’est-à-dire la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, sont surprenantes. Alors que le GIEC confirme la priorité de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et que cet objectif ne peut se passer du nucléaire ; au moment où la France ne parvient pas à respecter ses propres objectifs de réduction de GES, son gouvernement s’en prend à la principale source d’énergie qui lui fournit une électricité décarbonée et bon marché. En même temps, elle continue d’affaiblir l’ensemble de la filière électronucléaire.

Cette PPE, comme l’ensemble des décisions gouvernementales françaises concernant les sciences, les technologies et l’énergie, depuis plusieurs décennies, est davantage fondée sur des considérations idéologiques, que sur des données et perspectives scientifiquement établies. Ces décisions, sont influencées par des opinions, des préjugés qui sont portés et imposés par des militants politiques et des activistes. Ces derniers imposent leurs points de vue par tous les moyens. A la manière des sectes, ils usent de toutes sortes de stratagèmes pour parvenir à leurs fins : infiltration, accusation sans preuve, manipulation, peurs et mêmes violences.

Ainsi, il n’est pas étonnant que l’Ademe affirme le 10 décembre que la France devrait se passer des EPR, alors que son président, Arnaud Leroy, est lui-même militant. Quel est la valeur d’un tel avis ? Quelle est son objectivité ? Les organismes d’Etat, souvent présentés comme indépendants, n’échappent pas à cette « infiltration idéologique ».

  • Après la fermeture des centrales thermiques, pensez-vous que la baisse du nucléaire soit la 2e chose la plus importante à faire pour réduire notre empreinte carbone ?

Non, la filière électronucléaire française produit une électricité décarbonée, à un prix actuellement inférieur à ceux pratiqués dans les autres pays européens. La diminution de notre potentiel électronucléaire, occasionnera une diminution de l’offre nationale et à l’exportation d’électricité décarbonée. Les délais pour installer les puissances nécessaires en énergies renouvelables, leur caractère aléatoire, nécessiteront le recours au gaz, pourtant émetteur de GES.
C’est par une réduction de la place des hydrocarbures dans les transports et le chauffage que passe d’abord une baisse supplémentaire de nos émissions.

  • Le prix de l’électricité ne risque-t-il pas d’augmenter demain pour compenser la baisse du nucléaire au profit des énergies renouvelables ?

Oui, les prix de l’électricité augmenteront bien évidemment avec les EnR. Les travaux d’installation et d’interconnexion sont considérables, et les puissances à installer sont beaucoup plus importantes que les besoins réels, en raison de l’intermittence de leur production.

  • Et comment développer les énergies renouvelables quand on sait que près de 70 % des autorisations délivrées font l’objet de recours devant les tribunaux administratifs ?

Dans un Etat de droit tel que la France, les droits des citoyens sont évidemment incontournables. La défense de ces droits suscite de très nombreux recours à l’encontre des projets et des autorisations d’installation d’EnR. En l’état du droit et du fonctionnement de la justice, ces procédures empêchent définitivement, ou retardent considérablement, les installations éoliennes par exemple. Ces délais couteux, s’ajoutent aux autres freins liés à la réalisation d’une transition énergétique au profit des énergies renouvelables.

  • Dans votre tribune au Figaro du 26 novembre, vous dites “Ce ne sont pas de nouvelles taxes, mais une filière énergétique puissante qui pourra financer les investissements dans le renouvelable, dont la maturité demande du temps”. Qu’entendez-vous par “filière énergétique puissante” ?

Une “filière énergétique puissante”, est une filière qui a des capacités techniques et financières telles qu’elle puise financer une transition énergétique. La filière électronucléaire française – si on cesse de la mettre délibérément en accusation de façon excessive et même infondée quant à son coût – peut d’une part fournir au pays et à exportation de l’électricité décarbonée à des prix raisonnables, et d’autre part, permettre une transition partielle et progressive vers les énergies renouvelables.

  • Au vu de la crise des gilets jaunes, par quoi doit passer la prise de conscience des Français pour une transition énergétique bas carbone ?

Ce qui manque c’est le bon sens, le respect des données objectives, l’acceptation d’une prospective sérieuse car scientifiquement fondée. La meilleure des méthodologies est une pédagogie, reposant sur des bases honnêtes et rigoureuses.  La taxe carbone a déclenché une protestation de grande ampleur, car les Français peinent à l’acquitter et n’en comprennent pas les fondements.

  • Face à la sortie des Etats-Unis de la COP 21 et l’envie du Brésil ou des Philippines de faire de même, on a l’impression que la COP 24 recherche davantage un consensus européen plutôt qu’international. Pensez-vous que l’Europe soit la priorité de la France ?

La France est le pays du G7 qui émet le moins de gaz à effet de serre par habitant. Grâce au nucléaire nous sommes d’ores et déjà exemplaires, et pourtant sous des pressions politiques nous réduisons nos capacités électronucléaires. Les Français ne comprennent pas que, notre pays étant exemplaire en matière d’émissions, ils doivent être surtaxés pour des raisons idéologiques et antinucléaires.

Les Français ont du bon sens, ils savent que notre électricité étant décarbonée à 97% et contrairement à ceux que prétendent certains, notre consommation d’électricité va plutôt augmenter. La filière nucléaire est donc un atout à préserver pour atteindre deux objectifs : ouvrir notre consommation avec de l’électricité décarbonée et financer la montée en charge des énergies renouvelables. Le bon sens c’est ça et non toujours plus de taxes !

De cette façon, la France ne contredirait ni les engagements de la COP 21, ni nos engagements européens.

Rédigé par : Bernard Accoyer

Bernard Accoyer
Bernard Accoyer a été président de l'Assemblée nationale de 2007 à 2012, secrétaire général des Républicains de 2016 à 2017. Il est actuellement maire délégué d'Annecy-le-Vieux.
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COMMENTAIRES

  • Dans son lobbying largement dépassé et qui n’avance plus à rien sinon perdre encore du temps face aux réalités actuelles et à venir, Bernard Accoyer est complètement incohérent.

    Il évoque en effet l’aspect “décarbonisation” alors qu’il a toujours été un fervent défenseur des gaz et pétrole de schiste particulièrement émissifs, comme ses propositions en témoignent avec la listes de députés concernés, y compris sénateurs comme Gérard Larcher :

    De plus des membres de la famille de certains députés avaient des intérêts directs dans le gaz et pétrole de schiste comme par exemple Julien Balkany vice-président de la compagnie Toreador.

    Bernard ACCOYER, Jean-Jacques GUILLET, Jacques MYARD, Charles-Ange GINESY, Bernard PERRUT, Michel HERBILLON, Philippe VITEL, Nicolas DHUICQ, Marianne DUBOIS, Thierry LAZARO, Patrick HETZEL, Jean-Pierre DOOR, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Claude MATHIS, Marc FRANCINA, Luc CHATEL, Dominique BUSSEREAU, Axel PONIATOWSKI, Édouard COURTIAL, David DOUILLET, Philippe LE RAY, Jean-Pierre DECOOL, Philippe BRIAND, Véronique LOUWAGIE, Sophie DION, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Claude STURNI, Jean-Michel COUVE, Jean-Luc REITZER, Fernand SIRÉ, Philippe HOUILLON, Dominique NACHURY, François SAUVADET, Rémi DELATTE, Laure de LA RAUDIÈRE, François FILLON, Daniel FASQUELLE, Guy TEISSIER, Marcel BONNOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Éric WOERTH, Patrick BALKANY, Alain GEST, Patrice VERCHÈRE, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Pierre GORGES

    http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2306.asp

    Encore récemment il a tenté une explication des plus superficielles sur la crise des gilets jaunes. Il dit :

    “Nos compatriotes comprennent l’évidence : pour baisser encore nos émissions de gaz à effet de serre, il faut augmenter la part de l’électricité dans le chauffage”

    C’est bien le secteur nucléaire qui a été un élément durablement nuisible au développement d’autres énergies locales notamment du solaire thermique – qui a pourtant de multiples applications très durables et favorables tant individuelles qu’au niveau collectif et des réseaux de chaleur (en plus de l’hydraulique), en plus des différents aspects chaleur, biométhane etc – et qui a favorisé la gabegie énergétique avec des chauffages et chauffes-eau de type “grilles-pain” qui sont ruineux pour des millions de français et qui continue à favoriser des solutions qui ne sont pas les moins énergivores via son réseau, conformes à sa position de marchand d’électricité.

    Parler du prix de l’électricité en France et le comparer à d’autres ne veut rien dire si on ne compare pas les factures respectives en tenant compte des paramètres climatiques, économiques etc, la part du poste énergie dans la facture des ménages, l’efficacité énergétique de chaque pays, les taxes et ce à quoi elle se réfèrent, les tendances moyen long-terme etc

    A cause de cela nous sommes n°1 mondial en thermosensibilité avec 2,4 GWh de demande au prix fort par °C de moins de température l’hiver (et déjà + 600 MWh par °C de plus l’été)

    La solution proposée par B Accoyer participerait donc un accroissement de cette thermosensibilité alors qu’il faut au contraire la réduire.

    Puisqu’il cite les scientifiques et ingénieurs du secteur de l’énergie, peut être est-il utile de l’informer que les postes les plus émissifs sont identifiés depuis longtemps et les meilleures approches sont multiples et ne se résument certainement pas à plus de nucléaire dont on constate partout le manque de compétitivité ou seulement de chauffage électrique.

    De plus comme on avait alerté, les tendances des prix de l’électricité en Europe sont en train de changer et la hausse en France n’est pas, et de loin, seulement liée à la part des renouvelables dans la Cspe mais bien notamment au vieillissement du parc nucléaire, du réseau etc, ce à quoi l’étude et modélisations d’Artelys et Demain Energie sur la base des données RTE et EDF (et non pas de l’Ademe qui n’est que pilote) ont raison de souligner que les EPR, même s’ils arrivaient à produire à 70 euros le MWh, ne seraient plus assez compétitifs comparés aux renouvelables, stockages Power to X inclus, dont les prix vont continuer de baisser plus nettement même en France.

    .

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  • Page 4/28

    Les pays européens disposant actuellement de l’environnement le plus attractif pour le développement des énergies renouvelables :

    La France se place numéro 1 en 2018 gagnant 2 places en seulement 1 an.

    Classement des pays du G20 :

    1) France

    2) Germany

    3) United Kingdom

    4) Italy

    5) China

    6) Japan

    7) Canada

    8) Brazil

    9) United States

    10) India

    11) Australia

    12) South Africa

    13) South Korea

    14) Mexico

    15) Turkey

    16) Saudi Arabia

    17) Argentina

    18) Indonesia

    19) Russia

    Ces pays jouent un rôle clé dans la transition énergétique à l’échelle mondiale car ils comptent parmi les plus grandes économies et sont en général bien placés pour jouer un rôle de premier plan.

    L’Allemagne et le Royaume-Uni sont tombés respectivement en 2e et 3e position. Les trois premiers fournissent actuellement les meilleurs environnements politiques et de marché du G20, qui sont des critères essentiels pour les investissements à long terme et les projets complexes tels que les parcs solaires et éoliens.

    Le Brésil et l’Italie ont connu cette année des améliorations majeures, atteignant tous deux des rangs nettement supérieurs à ceux de l’an dernier. Au cours de l’année écoulée le Brésil a notamment augmenté ses capacités solaires photovoltaïques, à un rythme similaire à celui d’autres économies émergentes comme l’Inde, la Turquie et la Chine.

    L’analyse se concentre sur 2 aspects majeurs :

    1. l’attrait des investissements dans les énergies renouvelables en fonction de 5 facteurs politiques et de marché dans trois catégories générales :

    – Climat et politique des énergies renouvelables : Stratégie climatique à long terme, politiques en matière d’énergies renouvelables et politiques d’intégration des systèmes électriques pour le réseau, la demande et le stockage

    – Maturité du marché : Expérience dans le domaine des énergies renouvelables et dynamisme du marché

    – Conditions macroéconomiques : Inflation, primauté du droit et mesures similaires

    2. les investissements requis dans le secteur de l’électricité pour réaliser une trajectoire conforme à l’Accord de Paris en comparant les investissements requis avec un scénario de statu quo.

    https://www.allianz.com/content/dam/onemarketing/azcom/Allianz_com/sustainability/documents/Allianz_Climate_and_Energy_Monitor_2018.pdf

    .

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  • C’est à se demande si M Accoyer a lu ou a compris ce qu’il y a dans la PPE ! Le niveau de production nucléaire bénéficie d’un effet cliquet qui la maintien à son niveau avec tous les risques, les déchets, les pollutions et les coûts dissimulés ou volontairement ignorés ; et après on s’étonne que les Français en on marre de cette classe de politiciens professionnels qui se contente des slogans et des raccourcis idéologiques, et n’ont qu’un seul objectif, loin de l’intérêt général, celui de renouveler leur place d’élu, sans faire de vague et sans rien changer. Plus de 50% des Français ne votent plus, on peut comprendre.

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  • C’est curieux de vouloir, aujourd’hui, arrêter 14 centrales nucléaires en France.
    Cela risque de couter très cher à notre pays, c-à-d au portefeuille de chacun par nos impôts qui ne pourront que grandir . Voici pourquoi :
    Il faut prévoir le remplacement de ces réacteurs arrêtés. Par quoi ? Rien n’est défini aujourd’hui ( EDF, notre seul spécialiste compétent, est tenu à l’écart) . En 2015 les députés ont déjà envisagé ces fermeture MAIS, ils n’ont pas prévu de faire quelque chose pour produire l’énergie de remplacement : aberrant , pour des politiques qui prétendent nous gouverner !
    Alors décidons d’investir dans le photovoltaïque MAIS, on ne peut acheter des panneaux que chez les Chinois qui ont le monopole . Il faut aussi investir dans les éoliennes Mais, on n’en fabrique pas en France ! Il faudra acheter soit en Allemagne soit au Danemark. Et alors il faudra payer les factures des panneaux et des éoliennes. IL faudra vendre quelque chose en échange avec ces pays. MAIS quoi ? Notre industrie est exsangue . Nous n’avons plus d’usines qui exportent de quoi payer . Alors rêver messieurs les écologistes influents ou alors faisons cela maintenant et nous irons tout droit vers des problèmes budgétaire comme c’est arrivé en Grèce .

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  • Energies renouvelables pour sauver le climat ? oui mais, pas INTERMITTENTES.
    L électricité francaise est déjà décarbonnée grace au nucléaire et à l’hydraulique. Plus d’éoliennes c’est aussi plus de CO2 car l’intermittence (75 % d’équivalent temps complet) est compensée notamment avec du gaz.

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