Hydroélectricité : pour Olivier Feix, elle assure une énergie stable et massive - L'EnerGeek

Hydroélectricité : pour Olivier Feix, elle assure une énergie stable et massive

Président Directeur Général d’Hydrodynamic Technologies et membre fondateur de l’association Newenertech, Olivier Feix décrypte pour L’Energeek les enjeux de la transition énergétique et revient sur les avantages de l’hydroélectricité pour les territoires de France et d’Europe… 

  • Pouvez-vous nous présenter Hydrodynamic Technologies ?

Hydrodynamic Technologies est une start-up française qui existe depuis 2016. Composée de 10 ingénieurs et docteurs en matériaux composites, elle développe des systèmes de génération d’énergie hydroélectrique qui garantissent la restauration de la continuité écologique, notamment en milieu urbain. Soutenue par le programme de recherche et d’innovation (PRI) de la région Hauts-de-France (BPI France), notre entreprise se fixe pour objectif de répondre aux besoins de production locale d’énergie.

Par ailleurs, je me suis intéressé aux performances et au rendement de l’hydroélectricité dès 2012, en observant le fonctionnement d’une dizaine d’installations fondées sur le principe des vis d’Archimède, dans les pays d’Europe de l’Est. Après avoir vérifié la capacité de ces installations hydroélectriques, selon différents paramètres, de produire une énergie stable et massive pour les territoires, notre structure propose désormais des équipements grâce à un processus industriel de production par imprimante 3D de très grand format ainsi que l’utilisation de matériaux composites complexes.

  • Hydroélectricité : quel avantage par rapport aux autres énergies renouvelables, solaire et éolien notamment ?

Le premier avantage de l’hydroélectricité, c’est que l’eau, contrairement au vent ou au soleil, est une ressource exploitable 24 heures sur 24, elle peut donc assurer une production électrique continuellement. Or, le réseau électrique n’aime pas trop les impulsions, engendrées notamment par les énergies intermittentes comme le solaire et l’éolien. D’autant que lorsqu’on utilise les énergies intermittentes, il faut parallèlement faire diminuer la production des autres systèmes de production puisqu’il n’y a pas plus de consommation à l’autre bout du tuyau (ou du câble).

Deuxièmement, si vous produisez de l’électricité à proximité des zones de consommation, il n’y a pas de déperdition d’énergie dans les tuyaux. Globalement, on évalue la perte d’énergie à 1% par kilomètre parcouru, donc si vous êtes à 20 kilomètres de l’endroit où l’énergie est consommée, je vous laisse faire le calcul. Avec l’hydraulique vous êtes souvent à côté des habitations ; en effet, il faut bien avoir à l’esprit que les villages français sont généralement équipés d’un moulin et d’un pont. C’est pourquoi, les installations ont vocation à se développer dans des milieux intra-urbains, avec l’assentiment des riverains. Ainsi, lorsqu’elles sont raccordées au réseau électrique, elles apportent une puissance conséquente mais raisonnable tout en alimentant directement un ensemble d’habitations situées à proximité du lieu de production.

  • Que pensez-vous des objectifs de la transition énergétique ?

Pour la transition énergétique, je suis plutôt optimiste. D’abord, on est en train d’intégrer une dimension clé pour les ENR : le stockage de l’énergie. Dans les années qui viennent, on s’attend à de très grandes avancées pour le stockage massif de l’énergie, c’est pourquoi l’ambition d’atteindre 32% d’ENR au sein du mix énergétique en 2030 me semble réaliste. En plus, on voit arriver de nouvelles technologies : les greentechs. C’est le cas des microgrids par exemple, les territoires se dotent d’un réseau intelligent, qui assure la production, le transport et la distribution de l’énergie, dans le but de devenir un territoire à énergie positive et de renforcer la compétitivité verte.

  • Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement d’une vis d’Archimède ? A quel niveau se situe l’innovation de votre système ?

Le physicien de l’Antiquité, Archimède, est à l’origine de la découverte d’un système d’irrigation, dit par Vis, permettant d’acheminer l’eau d’aval en amont grâce au mouvement de rotation d’une vis sans fin. De nos jours, ce système est notamment utilisé à l’entrée de certaines stations d’épuration ou dans des postes de drainage de terres agricoles ; aujourd’hui nous proposons de l’utiliser dans le but de produire de l’énergie hydroélectrique. Avec une vis, on peut actuellement produire l’équivalent de la consommation de 300 à 500 habitations ; mais avec un cours d’eau aussi large que la Seine on peut aisément imaginer en installer entre 15 et 20 cote à cote.

Pour l’instant nous devons réussir à concilier les contraires. Aujourd’hui, il existe deux tendances pour les rivières, la première vise à promouvoir la dimension écologique des cours d’eau, la seconde les considère comme un moyen de produire de l’électricité verte pour répondre à nos besoins. Ces deux intérêts contraires sont néanmoins légitimes, et c’est pourquoi nous avons autant travaillé sur la question des passes à poissons, qui leur permet de remonter les cours d’eau, que sur la production d’énergie avec un optimum. Quand on a commencé les travaux de développement, les territoires étaient justement à la recherche de solutions pour produire de l’énergie et donc générer des recettes pour les collectivités locales, mais cherchaient aussi des solutions rentables respectueuses de l’environnement. Avec notre technique, nous étions en mesure de proposer aux pouvoirs locaux un moyen de produire de l’énergie, qui génère des recettes non négligeables, tout en leur permettant de contribuer à la préservation de la biodiversité.

Pour mettre en place notre solution, on commence par effectuer des estimations sur le site envisagé. Pour ce faire on a développé nos propres techniques de drones, aussi bien des drones aériens que des drones aquatiques ; ils nous permettent de modéliser en 3D avec une haute précision l’ensemble des ouvrages sur lesquels ont doit installer notre système. Grâce à ces appareils, nous pouvons élaborés les plans techniques des installations, ceux-ci nous permettent ensuite de prévoir les opérations à réaliser sur les barrages. Par ailleurs, ces plans nous permettent aussi de réaliser, avec des courbes d’élévation, tous les schémas possibles afin d’anticiper les crues et les inondations. En fait, on a optimisé tout ce qu’on pouvait optimiser, à l’aide de capteurs électroniques, on propose un dashboard qui permet de mesurer tous les paramètres de production en temps réel. Ainsi, le territoire peut indiquer à la population la quantité d’énergie verte produite ou la quantité de carbone économisée, sur son site web ou dans son hôtel de ville.

Cependant, en France le droit et la réglementation sur l’eau sont tellement drastiques qu’on ne va pas s’amuser à ajouter de nouveaux obstacles sur les rivières, mais on va privilégier les sites avec déjà des infrastructures. Par contre, dans d’autres pays, par exemple dans les pays en développement qui ont besoin d’énergie, ce n’est pas un problème. Dans ces pays, on ne va pas étudier un site en particulier mais on va pouvoir étudier une portion de rivière de 6km, en aquatique et en aérien, afin de savoir à quel endroit on doit installer le système pour obtenir l’optimum, c’est-à-dire l’emplacement où l’on pourra générer le plus d’énergie possible.

Nous aurons bientôt deux prototypes installés : le premier sera en Belgique, où nous changerons une vis métal pour une vis composite, ce qui nous permettra d’évaluer précisément le gain de productivité de notre appareil. Par ailleurs, depuis l’origine du projet nous avons un accord avec l’agglomération d’Amiens, en Picardie, pour équiper un site qui se trouve en milieu très urbain, puisqu’il se trouve juste à côté de l’Université de Sciences. Le prototype sera installé entre juin et juillet, sur la rivière de la Somme ; et ce site nous appartiendra, ce qui nous permettra de changer nos systèmes en fonction de l’avancée de nos technologies. Autrement, dans la région Haut-de-France, la plus part des grandes villes nous ont déjà demandé des modélisations de leur potentiel hydroélectriques, mais on espère aussi pouvoir s’installer prochainement en Bourgogne, en Bretagne ou encore dans les Pays de la Loire.  Mais globalement, toutes les régions, les agglomérations et les syndicats d’énergies peuvent se montrer intéressés par notre solution, en effet, on n’imagine pas toujours le gigantesque potentiel que recel l’hydroélectricité !

  • Comment les vis HDT peuvent devenir “la technologie du XXI ème siècle pour la production massive d’énergie en milieu urbain” et dans les territoires  ?

En Ile-de-France par exemple, on estime que le potentiel de développement de notre système équivaut à la production en électricité de trois tranches nucléaires. Sur ce territoire, il y a effectivement des rivières qui passent un peu partout ce qui fait pratiquement de l’hydroélectricité la seule énergie verte produite localement.

Concrètement, il existe plusieurs options pour développer ce potentiel, on pense notamment à équiper les écluses mais aussi les sorties des stations d’épuration. En effet, une fois l’eau purifiée, elle est réinjectée dans les rivières, ce qui représente des mètres cubes et des mètres cubes qui ressortent des stations. A partir du moment où on arrive à capter la force de ces mètres cubes par un système de vis, on a réalisé les premiers calculs et on estime qu’environ 50% de l’énergie nécessaire à la station pourrait être auto-générée.

  • Quels sont les objectifs de Hydrodynamic Technologies à court et moyen terme ? Avez-vous été approchés par de grands groupes pour développer votre système ?

On a été approché par plusieurs grands groupes, pour le moment on maintient la distance, même si on travaille déjà avec des groupes comme Engie ou Quadran. Seulement le vrai objectif de ces entreprises, c’est un peu comme pour les éoliennes, ce n’est pas tant de disposer de la technologie que de devenir les exploitants de cette technologie. En ce qui concerne EDF et Enedis, c’est encore un autre débat car ce n’est pas leur modèle, qui est très centralisé. Pour autant, du fait de la problématique du transport de l’électricité évoquée précédemment, ces entreprises sont plutôt favorables à notre installation dans les territoires. Quant aux autres sociétés d’exploitation, ils s’intéressent à nous justement en raison de notre engagement de convertir avec les territoires. Enfin, les industriels qui installent des stations d’épuration nous voient également arriver d’un très bon œil ; lorsque vous diviser de moitié les coûts d’exploitation vous pouvez imaginer l’intérêt que l’on porte à notre offre.

Notre objectif à court terme, c’est d’être en capacité de répondre à la production nécessaire pour l’ensemble des territoires avec lesquels on a commencé à travailler. L’objectif, étant d’arriver à avoir un plan de charge qui permette de répondre aux demandes de l’ensemble de nos interlocuteurs. Le deuxième aspect qu’on est en train de traiter, c’est d’intégrer de plus en plus de briques technologiques qui nous sont utiles. C’est-à-dire qu’en ce moment nous sommes en train de produire les vis, mais demain nous pourrions être amenés à travailler sur les génératrices, voire sur le stockage d’énergie.

Lire aussi : Hydroélectricité, un atout français pour le système énergétique mondial ?

Rédigé par : Olivier Feix

Olivier Feix
Président Directeur Général d’Hydrodynamic Technologies et membre fondateur de l’association Newenertech.
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