Les Bordelais pouvaient déjà observer depuis fin avril un flotteur ballotté par les eaux tumultueuses de la Garonne, non loin du pont d’Aquitaine. Cet objet étrange était en réalité la première partie d’une hydrolienne flottante, dont la construction a été finalisée la semaine dernière. Cette turbine va désormais pouvoir produire de l’électricité dans le cadre d’une expérimentation réalisée par la société Hydrotube Energie. Ce projet s’inscrit dans les différentes réalisations hydroliennes en France, marines et fluviales, et laisse entrevoir l’avenir prometteur de ce type d’énergie renouvelable.
Une première expérience hydrolienne dans les eaux de la Garonne
La construction de l’hydrolienne H3 par l’entreprise Hydrotube Energie a été finalisée jeudi dernier. Au flotteur déjà présent depuis plusieurs mois dans les eaux de la Garonne s’est ajouté un générateur muni d’une hélice. La machine désormais fonctionnelle utilise l’énergie cinétique du fleuve afin de la transformer en électricité. Le fonctionnement est similaire à celui d’une éolienne, qui exploite pour sa part la force du vent.
Cette nouvelle hydrolienne est imposante par sa taille, elle mesure en effet 10 mètres de long pour une hélice de 3,5 mètres de diamètre, et pèse 5 tonnes. Sa puissance sera comprise entre 5 et 20 kW sur le site bordelais. Le niveau de production est variable selon la vitesse du courant, qui change rapidement dans les eaux capricieuses de la Garonne. Ce fleuve au caractère versatile se prêtait donc parfaitement à l’expérimentation, car il permet d’évaluer la résistance de la turbine dans différentes conditions, et de mesurer la production en électricité selon la force du courant.
A terme, le développement de telles hydroliennes devrait permettre de produire une énergie parfaitement propre, sans impact sur l’éco-système fluvial. Le coût d’une hydrolienne H3 s’élève actuellement de 80.000 à 100.000 euros, l’industrialisation devrait cependant permettre de l’abaisser pour l’amener entre 50.000 et 60.000 euros.
En plus d’être la première hydrolienne implantée dans la Garonne, l’hydrotube H3 sera également la première hydrolienne immergée sur le site expérimental SEENEOH, d’ici trois à six mois. Ce site bordelais a été créé par le bureau d’ingénierie Energie de la lune, spécialisée dans les Energies Maritimes Renouvelables (EMR), dans le cadre d’un programme offrant aux entreprises un suivi d’impact et de performances énergétiques des hydroliennes qui seront observées sur un emplacement de sept hectares au pied du pont de pierre. L’hydrolienne H3 sera alors reliée au réseau électrique de la ville de Bordeaux.
L’hydrolien fluvial, une énergie renouvelable à l’avenir prometteur
Ce nouveau modèle d’hydrolienne fluviale s’inscrit dans le cadre d’autres expérimentations dans ce domaine sur le sol français, suivant les réalisations d’EDF et de ses partenaires en Guyane et à Orléans. La turbine réalisée par Hydroquest à Orléans diffère cependant de celle d’Hydrotube Energie à Bordeaux. Celle-ci détient deux colonnes de turbines sur un axe vertical, alors que l’hélice de l’hydrotube H3 tourne sur un axe horizontal. Elle est également moins lourde, avec « seulement » deux tonnes. Les conditions dans lesquelles l’engin est testé sont différentes, le courant de la Loire étant plus fort et régulier, et son potentiel de production en électricité est ainsi plus important, allant jusqu’à 50 kW.
La capacité de production de ces deux hydroliennes semble peu importante si on la compare à celle d’une éolienne ou d’une hydrolienne marine. Pourtant, le développement d’hydroliennes fluviales n’est pas sans intérêt. En exploitant l’énergie cinétique du courant, les hydroliennes peuvent fonctionner de manière permanente. A l’inverse, une éolienne ne peut fonctionner en l’absence de vent, et sa production demeure tributaire des conditions climatiques. Les hydroliennes, qu’elles soient fluviales ou marines, pourraient ainsi contribuer à diversifier et équilibrer le mix énergétique en étant efficaces au moment où d’autres sources d’énergie renouvelable ne pourront pas l’être.
Cela contribue à faire de l’hydrolien une énergie renouvelable prometteuse. La France détient un fort potentiel de développement dans ce domaine, non seulement parce qu’elle détient les ressources naturelles adéquates (de nombreux site en métropole et dans les DOM-TOM détiennent les caractéristiques adéquates pour l’implantation d’hydroliennes fluviales), mais aussi parce que plusieurs entreprises françaises ont innové et développé une expertise dans ce secteur. Le gouvernement encourage l’innovation dans l’hydrolien et a récemment lancé, conjointement avec l’Ademe, un appel d’offres sur les énergies renouvelables en mer et sur l’hydrolien fluvial. Le cahier des charges dévoilé le 3 août comprend un volet sur deux fermes pilotes d’hydroliennes , qui devraient voir le jour en 2019. Chacune devra compter au moins cinq éléments, générant chacun une puissance de 30 kW, qui seront reliés au réseau électrique.
Mais ces entreprises ne réservent pas leurs hydroliennes au seul marché français. En effet, ces turbines représentent un atout pour la fourniture en électricité dans les pays émergents. En Afrique, le développement de ces énergies naturelles permettrait à plusieurs pays de faire face à des difficultés d’approvisionnement électrique en valorisant leurs ressources naturelles. Sur le fleuve Congo par exemple, dont la vitesse du courant allant jusqu’à trois mètres par seconde est bien plus importante que celle de la Garonne, une hydrolienne H3 pourrait produire jusqu’à 50kW. Cela permettrait de baisser le coût du kWh et d’alimenter jusqu’à 3.000 personnes pendant un an selon les estimations de Gildas Gérard, ingénieur chargé de la partie mécanique sur le projet. Plusieurs pays africains se sont montrés intéressés par le projet.
Crédits photo : capture d’écran France 3
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