Annoncé en 2017, le projet de gazoduc East Med n’a pourtant pas beaucoup avancé en l’espace d’un an. Voulu par l’Union Européenne pour s’émanciper de la Russie en ce qui concerne l’approvisionnement en gaz, le gazoduc East Med représente une formidable opportunité énergétique, porté notamment par la découverte récente du plus grand gisement gazier en Méditerranée, au large de l’Egypte. Mais sa construction se heurte aux tensions politiques, et son avenir demeure incertain.
Depuis la découverte des gisements gaziers au large de Chypre et d’Israël, de nombreux forages exploratoires ont été lancés en méditerranée orientale. Le potentiel énergétique de la région serait très important, et il pourrait représenter une alternative viable à l’importation du gaz de Russie. L’hypothèse s’est vérifiée en août 2015, lorsque le gouvernement égyptien a officiellement annoncé la découverte d’un gisement gazier au large des côtes égyptiennes. Ce gisement baptisé Zohr représenterait, selon les experts chargés des estimations, 850 milliards de mètres cubes de gaz. Un chiffre vertigineux qui fait de Zohr le plus grand gisement de gaz naturel en mer Méditerranée.
Face à cette nouvelle opportunité énergétique, le gouvernement égyptien a été très rapide pour faire entrer le gisement en production : il a été inauguré fin janvier 2018. D’où la nécessité pour l’Union Européenne d’avancer rapidement sur le projet de gazoduc East Med : avec l’étendue des réserves gazières en Méditerranée, l’Europe pourrait rééquilibrer ses achats de gaz (elle importe 66% du gaz naturel qu’elle consomme) en limitant ses importations en provenance de Russie (39% du gaz consommé par l’Europe provient de Russie).
Après plusieurs mois de négociations, l’Italie, la Grèce, Chypre et Israël ont signé un accord de coopération énergétique le 5 décembre 2017 afin de lancer la construction d’un tout nouveau gazoduc. Ce projet, baptisé East Med, doit approvisionner l’Union Européenne en gaz provenant des gisements de la Méditerranée orientale.
Dans le détail, le projet de gazoduc East Med représente un pipeline de 1 900 km de longueur, dont 1 300 km offshore. Son tracé a été pensé pour relier les différents gisements gaziers stratégiques de la région, notamment le gisement Leviathan en Israël et le gisement Aphrodite au large de Chypre. Il possèdera également une connexion avec le gazoduc Poseidon (qui fait déjà le lien entre la Grèce et l’Italie). Au total, le gazoduc East Med devra permettre de transporter jusqu’à 16 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Union Européenne. Pour cela, il faut d’abord que l’accord intergouvernemental soit signé, ce qui pourrait intervenir courant 2018.
Mais ces ressources gazières sont désormais au coeur d’une lutte économique et politique. A Chypre, où deux administrations se côtoient avec difficultés, le sujet est devenu très sensible. Ce sont les autorités chypriotes grecques qui ont lancé les forages exploratoires dans la région pour identifier les gisements de gaz en Méditerranée orientale. Une décision unilatérale qui a aussitôt rencontré l’hostilité de l’administration chypriote turque, qui voit d’un mauvais oeil l’accaparement des ressources naturelles par l’administration grecque de l’île.
Début mai 2018, Mustafa Akinci, le président chypriote grec, a une nouvelle fois critiqué le projet de gazoduc East Med en s’opposant à une exploitation des ressources gazières qui ne serait qu’au profit du gouvernement chypriote grec. Selon lui, l’exploitation devrait être conjointe, et le tracé du gazoduc devrait être modifié afin de passer par la Turquie. Une prise de position soutenue par le gouvernement turque, très intéressé par l’exploitation des ressources gazières de la région. L’arbitre du projet East Med risque donc d’être l’Union Européenne, qui est sensée financer les 6 milliards d’euros du projet de gazoduc pour assurer sa mise en service à l’horizon 2025.