Méthanisation et méthanation : quelle est vraiment la différence ?

Méthanisation et méthanation : quelle est vraiment la différence ?

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Faciles à confondre de par la ressemblance de leur nom et leur objectif commun, à savoir la production de méthane, la méthanisation et la méthanation n’en sont pas moins des concepts distincts recouvrant des réalités bien différentes. Processus naturel de décomposition pour l’un et procédé industriel pour l’autre, ces techniques participent pourtant bien toutes les deux à la production de gaz plus propre. Explications.

La méthanisation, un processus naturel de production de biogaz

La méthanisation est un processus de décomposition de matières pourrissables en l’absence d’oxygène (anaérobie) qui se produit naturellement dans les gaz des marais, lieu de décomposition de matières végétales et animales, et génère entre autres du biogaz. Ce biogaz ou « gaz vert » est principalement composé de méthane et de dioxyde de carbone, et peut être injecté dans le réseau gazier ou être brûlé pour produire de l’électricité.

Ce processus naturel est utilisé aujourd’hui à l’échelle industrielle (via la fermentation de résidus de l’agriculture ou de déchets ménagers), pour produire du biométhane, une énergie renouvelable décarbonée et substitut possible au gaz naturel. L’exploitation de ce processus de méthanisation permet à la fois de traiter des déchets organiques et de les valoriser pour un prix très compétitif, de générer une matière énergétique supplémentaire à partir de déchets voués à une destruction non-valorisée jusque-là, et de produire un biogaz valorisable, pouvant être transformé en chaleur, en carburant pour les véhicules ou encore en électricité dans une centrale à gaz.

Comme toute énergie renouvelable, la méthanisation a donc un rôle déterminant à jouer dans le succès de la transition énergétique, mais doit être soutenue davantage si le gouvernement veut respecter l’objectif fixé dans la loi de Transition énergétique et parvenir à la neutralité carbone dès 2050. En effet, si la production française de biométhane a presque doublé en 2017 pour atteindre 408 gigawattheures (contre 215 GWh en 2016), soit l’équivalent de la consommation de près de 30.000 logements, elle reste encore loin de l’objectif intermédiaire fixé pour 2018 à 1,7 TWh. A ce jour, seuls 44 sites de méthanisation injectent du gaz renouvelable dans les réseaux de gaz français, et l’objectif global défini par la loi de Transition énergétique d’atteindre 10% du gaz consommé en France d’origine renouvelable d’ici 2030, semble encore très lointain, voire même utopiste. Pour remédier à ce décalage, le gouvernement a dévoilé au mois de mars 2018 plusieurs mesures destinées à dynamiser la filière française.

La méthanation, un procédé industriel au service du stockage de l’électricité

A côté de ce processus de production par méthanisation, la méthanation se définit quant à elle comme le procédé industriel permettant de transformer les excédents d’électricité en méthane. Associé à l’électrolyse qui consiste à utiliser le surplus d’électricité pour produire du dihydrogène et du dioxygène par électrolyse de l’eau (H2O), le procédé de méthanation fait réagir du dioxyde de carbone ou du monoxyde de carbone avec de l’hydrogène afin de produire du méthane et de l’eau, via le principe de la conversion catalytique (appelée aussi « réaction de Sabatier »). L’oxycombustion permet ensuite de recréer de l’électricité au moment choisi en mettant le méthane au contact du dioxygène au sein d’une turbine à gaz.

En participant à ce processus de transformation, la méthanation offre la possibilité de stocker de grandes quantités d’énergie dans le réseau gazier, dans l’attente d’une reconversion en électricité. En théorie, le réseau gazier français pourrait stocker, via un procédé baptisé “Power-to-gaz“, jusqu’à 25 térawattheures d’énergie sous forme d’hydrogène, en incorporant 6% d’hydrogène dans le méthane, et permettre ainsi d’emmagasiner les excédents de production des énergies renouvelables électriques. Comme l’explique sur Actu-Environnement, Benjamin Dessus, membre de l’association scientifique Global Chance, « il est aujourd’hui possible de jouer sur la complémentarité entre les réseaux en convertissant de l’électricité en hydrogène ou en gaz » pour constituer à terme un système énergétique totalement renouvelable basé sur la synergie des réseaux électrique et gazier.

A noter enfin, la méthanation permet également de valoriser le « syngas » (appelé aussi gaz de synthèse), mélange gazeux combustible produit par pyrolyse, composé de d’hydrogène, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone que l’on obtient notamment par gazéification de bois ou de charbon, en le transformant en méthane. La méthanation permet ici d’éliminer le monoxyde et le dioxyde de carbone en les valorisant.

Crédits photo : Dirk Schmidt

Rédigé par : La Rédaction

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COMMENTAIRES

  • Le Royaume-Uni qui a une très nette avance avec l’Allemagne dans l’offshore se prépare à faire de même dans le power to gas (méthanation) comme plusieurs pays européens notamment.

    Ils ont entre déjà le projet HyDeploy d’injection d’H2 dans le réseau à hauteur de 20% en volume (donc 15% en énergie) dès 2019 et voient bien plus grand du côté de Liverpool, entre autres même si avec l’opérateur Cadent il s’agira en bonne partie de conversion de gaz naturel et stockage de C02 dans les anciennes poches de gaz ce qui leur permettra de réduire fortement leurs émissions tout en développant fortement la filière hydrogène pour l’industrie, le chauffage, les transports lourds etc.

    Un rapport a été récemment publié sur la méthanation et notamment l’injection dans le réseau gaz :

    Les énergies renouvelables ont été la deuxième source d’électricité du Royaume-Uni au cours des trois derniers mois de 2017 et fournissent aujourd’hui environ 1/3 de l’électricité du pays à certaines heures de la journée

    “Le réseau gazier du Royaume-Uni a le potentiel de stocker l’électricité excédentaire sous forme d’hydrogène pendant plus longtemps que d’autres formes de stockage d’énergie, comme les batteries. Cet hydrogène peut ensuite être utilisé dans tous les domaines du système énergétique produisant du carburant à faibles émissions pour le transport, réduisant les émissions de CO2 du système de chauffage, réutilisé pour produire de l’électricité ainsi qu’une matière première plus verte pour des industries telles que la production d’ammoniac et de plastiques.

    L’Institution of Mechanical Engineers (iMechE) estime que la réponse pourrait être d’utiliser l’énergie pour produire de l’hydrogène et pense que le gouvernement britannique “doit promouvoir l’utilisation de jusqu’à 20% d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz, y compris le changement de tuyaux et de matériaux d’ici 2023, les programmes de financement et les sites de démonstration sont cruciaux pour la décarbonisation du gaz. Le gouvernement a le pouvoir de financer la recherche, le développement et la démonstration et de soutenir le déploiement par le biais de programmes tels qu’Innovate UK, ainsi que des programmes sur mesure conçus pour fournir l’infrastructure future du Royaume-Uni. Le gouvernement du Royaume-Uni devrait commander une étude comparative complète de la durabilité à long terme des matériaux utilisés pour créer des batteries au lithium-ion EV par rapport aux systèmes d’alimentation en électricité/gaz/gaz et aux piles à combustible, en particulier pour le stockage de l’énergie, afin d’identifier la technologie appropriée et l’analyse du cycle de vie. En comprenant mieux cela, le gouvernement britannique peut prendre des décisions d’investissement fondées sur des données probantes qui répondent aux exigences du développement durable dans les secteurs de l’électricité, des transports et de la chaleur”.

    L’année dernière, le gouvernement a accordé beaucoup plus de soutien aux batteries, avec l’annonce de 246 millions de livres sterling pour la recherche et le développement de batteries, contre 25 millions de livres sterling pour l’exploration de l’utilisation de l’hydrogène pour le chauffage. Interrogée sur l’économie de l’hydrogène, Jenifer Baxter, l’auteur principal du rapport, a déclaré que l’électricité devenait moins chère tandis que les électrolyseurs – utilisés pour diviser l’eau en hydrogène et oxygène – devenaient plus efficaces.

    https://www.theguardian.com/environment/2018/may/09/use-excess-wind-and-solar-power-to-produce-hydrogen-report

    .

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  • Philippe, je me suis beaucoup occupé de gazéification du charbon, l’un des projets dont je m’occupais était d’implanter une unité à Montoir de Bretagne près du parc de stockage du charbon destiné à la centrale EdF de Cordemais et à une cimenterie dans la Sarthe.
    Mais l’unité aurait aussi utilisé du coke de pétrole si la raffinerie de Donges avait implanté une unité de conversion profonde qui génère beaucoup de coke.
    Ce dernier projet a été abandonné et la gazéification du charbon aussi.
    Mais ce projet était aussi soutenu par la CCI de Saint-Nazaire de même qu’un projet similaire près de Lorient, par le maire de Lorient de l’époque, un certain JYLD.

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  • Merci pour l’article qui explique la différence entre méthanisation et méthanation.

    Pour compléter cet article, il me semble utile de présenter en quelques mots la pyrolyse/gazéification (process regroupés sous le nom de pyrogazéification) dont il est question brièvement en fin d’article.
    Les procédés de pyrolyse et de gazéification imitent le procédé à l’origine des énergies fossiles, mais beaucoup plus rapidement (de quelques secondes à quelques heures). Pour cela, la matière carbonée relativement sèche (biomasse et/ou déchet) est chauffée à haute température (entre 400 et 1500 degrés Celsius), en absence ou défaut d’oxygène. La matière carbonée est alors transformée en gaz (syngaz formé essentiellement d’oxyde de carbone et d’hydrogène), huile et/ou charbon. Les produits obtenus sont sous forme de composés énergétiques et gardent tout leur pouvoir énergétique pour une application spécifique ultérieure. Ces composés sont plus denses énergétiquement que la matière entrante, plus homogènes et in fine plus facilement valorisables car transportables et stockables. Après cette transformation sous une forme plus facilement valorisable, ces nouveaux composés peuvent ainsi être utilisés directement en aval ou sur un autre site, soit sous forme énergétique, par exemple dans une chaudière ou un moteur à combustion interne en substitution d’une énergie fossile ou après injection dans le réseau gaz, soit sous forme chimique pour la préparation de biocarburants ou de molécules à haute valeur ajoutée.

    A contrario, la combustion et l’incinération utilisent immédiatement le pouvoir énergétique des produits ou déchets sous forme de chaleur, par oxydation en présence d’un excès d’oxygène. Or la chaleur est l’énergie la moins noble, la moins flexible, la plus difficile à stocker et transporter. En d’autres termes, si le besoin énergétique n’est pas à proximité, l’énergie produite par combustions est souvent perdue (le cas trop souvent pour les incinérateurs, notamment l’été).

    Ces procédés de pyrolyse/gazéification ressemblent donc à la méthanisation à plusieurs niveaux :
    – des procédés en absence d’oxygène (ou défaut d’oxygène pour la gazéification)
    – des procédés qui fonctionnent en deux étapes : une étape de transformation de la biomasse en composés énergétiques (méthane pour méthanisation, syngaz pour la gazéification) qui peuvent ensuite être valorisés énergétiquement dans un moteur à gaz par exemple, dans une chaudière gaz ou envoyé dans le réseau gaz.

    Ces technologies sont en pratique très complémentaires puisque les ressources méthanisables sont très majoritairement humides et non ligno-cellulosiques alors que les ressources gazéifiables sont sèches et/ou ligno-cellulosiques. Ceci résulte du moyen utilisé pour “couper” les molécules de carbone : des bactéries pour la méthanisation, la chaleur pour la pyrolyse/gazéification. L’étude ADEME publié en février 2018 sur “100% de gaz renouvelable à horizon 2050 ?” indique que 400 TWh de biomasses pourraient être mobilisés à cet horizon dont 150 TWh de ressources méthanisables et 250 TWh de ressources pyrogazéifiables.

    Mais alors, qu’en est-il de la méthanation ? Comme très bien expliqué dans cet article, il s’agit
    d’une réaction chimique qui fait réagir du dioxyde de carbone ou de l’oxyde de carbone avec de l’hydrogène pour produire du méthane. Comme le réseau gaz accepte principalement du méthane (et un tout petit peu d’hydrogène), une gazéification qui produit du syngaz doit être suivie d’une méthanation si on souhaite injecter ce gaz dans le réseau. La méthanisation produisant directement du méthane, pas besoin de méthanation même si un nettoyage du biogaz reste nécessaire pour répondre aux spécifications techniques du réseau.
    La méthanation peut également être utilisée après une électrolyse à partir d’excès de production d’électricité renouvelable.

    En résumé, pour valoriser en gaz vert les ressources biomasses, deux process sont principalement utilisés : la méthanisation pour les ressources humides et non ligno-cellulosiques, la pyrogazéification pour les autres ressources, bois et dérivés notamment. le premier utilise des bactéries, le deuxième la chaleur. Le réseau gaz n’acceptant que du méthane (et un peu d’hydogène), le gaz produit à partir de gazéification doit préalablement faire l’objet d’une méthanation en aval e la gazéification avant injection. La méthanation peut aussi être utilisé pour transformer l’hydrogène produit par électrolyse, notamment à partir des surplus d’électricité renouvelable.

    Pour plus de détails sur la pyrogazéification, je renvoie sur la note stratégique rédigée par le Club Pyrogazéification : http://www.clubpyrogazeification.org/wp-content/uploads/2016/09/NoteStrategiePyroGaz02072015.pdf

    Philippe Hugeron
    Président du Club Pyrogazéification

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