Nucléaire : les chantiers de démantèlement vont se multiplier selon l’AIEA

Nucléaire : les chantiers de démantèlement vont se multiplier selon l’AIEA

Demantelement_nucleaire

Outre la prolongation de la durée d’exploitation des centrales en activité et la conception de réacteurs plus sûrs et plus performants, l’industrie nucléaire doit également s’adapter au vieillissement des centrales anciennes générations et organiser leur déconstruction progressive dans des conditions de sûreté optimales. Ces chantiers devraient se multiplier dans les années à venir selon les chiffres de l’Agence internationale de l’Energie atomique, et nécessiteront logiquement la mise en place de capacités de traitement et de stockage suffisantes pour intégrer l’augmentation des déchets radioactifs qui en résultera.

164 réacteurs nucléaires arrêtés dans le monde

Si de nombreux réacteurs nucléaires verront leur durée de fonctionnement prolongée après validation des autorités de sûreté compétentes, ces installations de production d’électricité n’en ont pas moins une durée de vie limitée, et les réacteurs les plus anciens (généralement conçus dans les années 1960) arrivent aujourd’hui en fin de vie. Or, qui dit fermeture de réacteurs, dit également démantèlement de centrales et réhabilitation des sites.

Selon une étude récente de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA), un total de 164 réacteurs nucléaires ont déjà cessé leur activité à travers le monde (dont 34 aux Etats-Unis, 30 au Royaume-Uni, 28 en Allemagne, 17 au Japon et 12 en France), et sur les 448 réacteurs nucléaires encore en activité, plus de la moitié approchent de la fin de leur vie opérationnelle. Si les réacteurs nouvelle génération atteignent désormais une durée d’existence de 60 ans, le nombre de chantier de démantèlement devrait logiquement augmenter de manière significative dans les prochaines décennies.

Des processus de démantèlement très contrôlés

Processus long et complexe, la déconstruction progressive d’une installation nucléaire nécessite de décontaminer les équipements, de déconstruire éventuellement les bâtiments et d’assainir les sols. Elle est régie en France par des normes réglementaires très strictes répondant au principe d’immédiateté et imposant à l’exploitant de procéder à la déconstruction “dans un délai aussi court que possible dans les conditions économiquement acceptables”.

Dans les faits, ces chantiers s’accompagnent de nombreux contrôles en matière de sûreté et de sécurité nucléaire et nécessitent plusieurs années d’études et d’analyses préalables durant lesquelles les exploitants effectuent l’inventaire des installations et des déchets, et envisagent les différents scénarios d’interventions possibles. D’autre part, si des ateliers de découpe et des silos de conditionnement des déchets sont généralement aménagés sur les sites en cours de démantèlement, le processus de réhabilitation du site suppose d’évacuer les substances dangereuses et les déchets encore présents vers un centre de stockage capable de recevoir et de traiter de tels colis.

La délicate question du stockage des déchets radioactifs

En Italie ou en Allemagne par exemple, où les chantiers de démantèlement des centrales nucléaires de Garigliano et de Greifswald avancent à des rythmes différents, le problème du stockage des déchets reste très préoccupant. L’Italie, qui doit encore choisir un site en surface pour entreposer ses déchets de faible ou moyenne activité, cherche un partenaire européen pour l’enfouissement en profondeur de ses résidus les plus radioactifs. “Ce n’est pas un problème technique ou géologique, c’est un problème politique”, reconnaît à l’AFP Emanuele Fontani, de la Sogin, la société publique en charge du démantèlement. Idem en Allemagne où les déchets les plus radioactifs sont toujours entreposés à Greifswald en attendant d’être stockés dans des sites dédiés encore non définis. “C’est un problème très urgent”, s’inquiète de son côté Henry Cordes, Président de la société publique EWN, en charge des travaux. Un problème d’autant plus urgent que l’Allemagne a toujours l’ambition de fermer toutes ses centrales d’ici 2022.

Comme certains de ses voisins européens comme la Suède, la Finlande ou la Belgique, la France semble avoir pris les devants et mise aujourd’hui sur le stockage géologique en profondeur afin d’accueillir l’ensemble des déchets de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL) issus de l’exploitation des centrales françaises, puis de leur démantèlement. Outre les centres de traitement des déchets déjà existants (dans l’Aube ou dans la Manche par exemple), l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) étudie en effet la réalisation d’un projet de stockage inédit dans l’Hexagone baptisé Cigéo pour Centre Industriel de stockage Géologique. Situé à Bure dans la Meuse, ce site de stockage à 500 m sous terre d’une surface de 17 km² permettra d’emmagasiner à terme environ 10.000 m3 de déchets HAVL et 73.500 m3 de déchets MA-VL.

Crédits photo : EDF

Rédigé par : La Rédaction

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COMMENTAIRES

  • Les chantiers de démantèlement vont se multiplier, c’est évident.

    Techniquement il n’y a rien de compliqué, il faut juste mettre en place les règlementations, les filières de déchets, et mettre en branle les industriels. Et venir occasionnellement à bout de la guérilla juridique des écologistes.

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  • De toutes façons, vu la faible emprise au sol d’un réacteur nucléaire, un démantèlement ne présente pas un caractère d’urgence, et, au pire, même si celui-ci ne devait pas se faire, cela ne présenterait pas un grave danger. Bien d’autres sites sont définitivement abandonnés pour l’éternité, par exemple des sites d’enfouissement de déchets industriels de haute activité.

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    • On constate des dérives systématiques dans les coûts pratiques de démantèlement, la gestion des risques, le suivi et la surveillance des déchets etc

      Au niveau européen les exploitants réservent généralement entre 900 millions et 1,3 milliard d’euros par réacteur à démanteler et les coûts sont chaque fois dépassés. EDF ne provisionne en moyenne que 350 millions d’euros par réacteur (pourtant à Brennilis, Finistère, le démantèlement en cours depuis plus de 30 ans des réacteurs à eau lourde aurait dû servir en partie d’exemple avec son coût multiplié par 20 par rapport aux prévisions initiales).

      Plus généralement EDF prévoyait par exemple des démantèlements en immergeant certains éléments radioactifs pour faciliter les opérations (donc sous eau), puis début 2016 il a changé d’avis vus les coûts élevés en optant pour le démantèlement sans immersion (donc sous air), sa demande n’a pas été acceptée par l’ASN qui soulignait que ce changement de méthode supposait que le démantèlement du dernier des réacteurs UNGG se termine au début du 22e siècle, 120 ans après l’arrêt de leur activité !

      On continue donc de jouer sur les prolongations, la rente et intérêts générés, au dépens des risques, c’est une spécialité nucléaire !

      Comme le souligne à juste titre Thierry Charles de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) “il n’y a pas lieu d’attendre longtemps pour démanteler car lorsqu’une centrale est mise à l’arrêt les circuits vieillissent et on finit par perdre la mémoire du site”.

      Même problème de dérives des coûts et des risques en Italie et ex RDA

      http://www.journaldelenvironnement.net/article/le-demantelement-nucleaire-un-projet-de-societe,87283

      .

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  • Comme d’habitude on va voir grimper le taux des travailleurs et sous-traitants exposés qui vont être les laissés pour compte vues la durée et les spécificités des démantèlements puisque les ingénieurs concepteurs et réalisateurs ne sont plus là

    https://www.actu-environnement.com/ae/news/radioactivite-radioprotection-travailleurs-nucleaire-exposition-irsn-29626.php4

    Aux seuls Etats-Unis, pays champion de la prolongation des centrales à 80 ans, le combustible nucléaire usé est toujours dans des fûts provisoires sur les sites de 61 centrales nucléaires en exploitation et dans 13 autres endroits dont des centrales déclassée dont le démantèlement, quand il a lieu, est particulièrement expéditif via des sous-traitants et à très hauts risques. Chacun de ces sites nécessite sa propre sécurité coûteuse pour protéger les matières nucléaires, ce qui signifie payer les gardes, même si la centrale ne fonctionne plus. Le cas du site de stockage de Yucca Mountain (Nevada) n’est toujours pas réglé.

    C’est donc un vaste problème au plan mondial objet de toutes les dérives.

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  • Parmi les nombreux autres problèmes, celui des radionucléides intégrés dans les produits de construction et de consommation et leur traçabilité impossible dans le temps comme le relevait l’ASN

    L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) estime que les démantèlements devraient générer 2,2 millions de m3 de déchets nucléaires TFA, hors gestion des sols pollués.

    Mais le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ne peut guère en accueillir que 650.000 m3. Le site, situé à Morvilliers (Aube), devrait être saturé vers 2025.

    Les industriels du nucléaire veulent la valorisation de certains déchets TFA à l’extérieur de l’industrie nucléaire. Une option que conteste l’Autorité de sûreté nucléaire pour des raisons de traçabilité.

    Plus largement dans le monde il y a déjà 234 réacteurs de plus de 31 ans (l’âge moyen des 58 réacteurs en France c’est déjà 33 ans), çà fait beaucoup de déchets très durables dont on va perdre la trace de certains comme les TFA mais qui continueront longtemps d’être nuisibles.

    https://www.actu-environnement.com/ae/news/reglementation-radionucleides-incorporation-biens-consommation-29896.php4

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