Nous ne sommes pas très bon pour recycler nos déchets en France

“Nous ne sommes pas très bons pour recycler nos déchets en France !”

Face aux limites du modèle productiviste (gaspillage des ressources et pollutions), la société civile s’organise et se tourne de plus en plus vers l’économie circulaire. En atteste notamment Julien Vidal, jeune de la Génération Y, qui a imaginé le projet : “Ca Commence Par Moi”. Pendant un an, il s’est évertué à proposer chaque jour une solution différente pour réduire son empreinte carbone… L’Energeek l’a rencontré pour en savoir davantage sur ce projet et ses enseignements.

  • Dans l’introduction du Shift Project, Jean-Marc Jancovici explique : “Partons du quotidien actuel et regardons quelles actions concrètes, de terrain, peuvent changer la donne dans les bons ordres de grandeurs, en quelques décennies”. Connaissiez-vous The Shift Project ? Peut-on dire que cette citation résume aussi un peu votre démarche ?

J’avoue que je ne connais pas très bien le Shift Project ; mais il est vrai que j’ai voulu réduire au maximum l’empreinte carbone de mon activité individuelle quotidienne. Ce qui est sûr, c’est qu’en lançant le projet “Ca Commence Par Moi”, je voulais montrer qu’à notre niveau nous avons tous un pouvoir énorme pour faire pencher la balance du bon côté. Avec toute une série de petits gestes du quotidien, nous pouvons considérablement alléger l’impact négatif que nous avons sur la planète, ainsi que sur les autres êtres humains.

  • Pour calculer votre empreinte carbone vous avez utilisé le calculateur en ligne de l’ONG Global Footprint, pouvez-vous revenir un peu sur cette notion “d’empreinte écologique” et sa méthode de calcul ? Selon vous, celle-ci présente-elle des limites ? Si oui lesquelles ?

Pour être honnête, j’ai passé beaucoup de temps à chercher un calculateur en ligne d’empreinte carbone qui soit à la fois clair, simple d’utilisation mais qui permette aussi de rentrer plus en détails dans l’impact de chacune de nos habitudes. L’idée était d’avoir une vision assez proche de la réalité de l’impact de mon mode de vie sur l’environnement. Après avoir passé pas mal de temps à essayer différents calculateurs, j’ai le sentiment qu’aucun n’est vraiment parfait. C’est pourquoi, il m’a semblé que c’était finalement intéressant de me référer à celui mis à disposition par l’ONG Global Footprint Network, qui a acquis une certaine renommée dans le domaine puisque c’est elle qui est derrière l’indice du fameux “jour du dépassement”. Et même si je trouve que le calcul présente de nombreuses limites, en particulier le manque de différenciation entre l’agriculture bio et classique ou encore la non prise en compte de la production locale pour les vêtements, il a le mérite d’aller plus loin que le calcul de la simple émission de CO2. Je trouve la notion d’empreinte écologique intéressante car elle va au-delà du calcul des gaz émis par nos actions quotidiennes. En effet, l’empreinte écologique calcule la pression qu’exerce l’homme sur la nature en évaluant la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d’absorption de déchets.

  • Depuis le début de votre projet, vous avez proposé 365 idées pour améliorer votre mode de vie, vous avez même réalisé un “top 10” de vos propositions. Comment l’avez-vous établit et que comprend-t-il ?

Le top 10 est assez subjectif. J’ai tout de suite voulu aller plus loin que le simple calcul de l’impact écologique de mes actions, en proposant non seulement d’évaluer l’impact positif ou négatif de ces actions sur les autres êtres humains, mais aussi sur moi-même et en particulier sur mon bonheur. Or, il est assez difficile d’arriver à concilier ces 3 impacts en même temps avec une même action. Du coup, j’ai essayé de proposer des actions qui permettraient d’activer tour à tour ces 3 leviers à travers mon top 10. Par exemple, le fait d’adopter un régime végétarien aura des conséquences fortes sur l’environnement, quand le fait de faire du bénévolat aura lui plus d’impact sur les autres. Enfin, pour moi, le fait de continuer à apprendre toute ma vie, en particulier à travers les MOOC, est un excellent moyen de me faire grandir en tant qu’être humain, de mieux comprendre mon époque et donc d’être plus épanoui.

  • Ce classement est-il à la portée de tous (je deviens végétarien, j’achète des produits bio…) ? N’est-ce pas un peu une vision bobo-chic-tendance-engagé de “changer le monde” ?

Ah… le fameux mythe du bobo écolo ! Il n’y a qu’à voir le groupe Facebook “Gestion budgétaire, entraide et minimalisme” qui compte actuellement plus de 90.000 membres pour se rendre compte que l’envie de construire un monde meilleur n’appartient pas qu’à ceux qui ont les moyens. Et même si les motivations et les objectifs peuvent parfois différer entre les personnes, le fait d’adopter des éco-gestes au quotidien a bien souvent un impact positif, à la fois sur le porte-monnaie et sur la planète. À la croisée des tendances minimalistes, zéro déchet ou encore végétarienne, on arrive très vite à prendre des habitudes qui nous rapproche des lois “naturelles” et qui nous font sortir du fait d’acheter toujours plus de choses sans finalement en avoir vraiment besoin. C’est particulièrement le cas pour les produits d’entretien qu’on peut faire soi-même, ou pour les produits de soin et de beauté qu’on peut aussi remplacer par des alternatives naturelles et bien moins onéreuses.

  • Concernant celle arrivant en troisième position – acheter de l’électricité verte – pouvez-vous nous dire comment vous avez procédé pour faire votre choix parmi les différentes offres existantes ?

J’ai fonctionné un peu au feeling, après avoir eu une longue conversation avec une personne qui s’intéresse beaucoup au sujet. En cherchant les différentes alternatives, j’ai vu qu’Enercoop avait l’air d’avoir des exigences assez élevées sur la provenance de l’électricité , tout en faisant beaucoup d’efforts sur le fonctionnement interne de la structure qui cherche à aller plus loin que le modèle d’entreprise classique. Aujourd’hui, les initiatives citoyennes pour produire de l’électricité verte se multiplient et je crois que je regarderai à nouveau en détails ce qui existe la prochaine fois que je déménagerai.

  • Concrètement, comment inciter les gens à changer leurs habitudes au quotidien ? Par quoi passe la prise de conscience écologique à l’échelle d’une personne ?

Je crois que ça dépend vraiment des gens. Certains vont avoir besoin de faits théoriques précis, d’autres vont avoir l’électrochoc en voyageant et en découvrant l’ampleur des dégâts au niveau mondial. Enfin, il y aussi des gens qui passent à l’action quand ils ont des enfants… Pour moi en tout cas, la prise de conscience s’est faite petit à petit mais le déclic vient sans doute du projet “No impact man” mené par Colin Beavan. Ce journaliste new-yorkais, qui a tenté de réduire son empreinte carbone à néant en un an m’a beaucoup touché, parce qu’il n’était jamais moralisateur, jamais donneur de leçon ! Et c’est l’esprit que j’ai voulu garder avec “Ca Commence Par Moi”, en étant surtout dans l’exemplarité, en proposant des alternatives sans rien imposer. Et à mon échelle, j’ai l’impression que cette posture a marché ; et pour cause, je n’ai jamais eu autant d’impact sur mon entourage depuis que j’ai arrêté d’essayer de les changer !

  • Environ la moitié des Français ne trient pas leurs déchets de manière systématique. Pensez-vous qu’une amende en cas de refus de trie des déchets soit une solution pour faire évoluer les mentalités ?

C’est vrai que nous ne sommes pas très bons pour recycler nos déchets en France. Toutefois,  je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de punir des gens car le fait de trier dépend de plusieurs facteurs d’éducation, logistique, etc… devant lesquels nous ne sommes pas tous égaux. Peut-être devrions-nous prendre le problème à l’envers afin de mettre en place des stratégies d’incitation pour pousser les gens à recycler plus ? Il y a l’entreprise “Lemon Tri” qui agit dans cette perspective, mais j’imagine que l’idéal serait de mettre à contribution les villes et les collectivités… en réduisant peut-être certaines charges en fonction du nombre de kilos de déchets recyclés par foyer par exemple. Par ailleurs, les agriculteurs pourraient également avoir une belle carte à jouer ; concrètement ils pourraient récolter les déchets organiques des particuliers pour le compost, en donnant un échange un panier de fruits et légumes de temps en temps…

Lire aussi – Déchets alimentaires : programme test de valorisation énergétique à Paris 

  • Quel est le rôle du gouvernement dans tout ça ?

Le rôle du gouvernement est forcément essentiel car la force de frappe de l’État est immense ! Même si nous pouvons tous agir à notre échelle sans que le gouvernement n’intervienne systématiquement. Ceci étant dit, le gouvernement doit s’impliquer à tous les niveaux pour faire des pratiques éco-citoyennes l’épine dorsale d’un programme ambitieux pour préserver notre planète :

– avec l’éducation en mettant en avant les pratiques éco-responsables,
– en travaillant avec les agriculteurs pour faciliter l’accès à une nourriture saine et bon marché,
– en incitant les acteurs économiques à adopter des habitudes écologiques dans leur chaîne de production pour nous pousser toujours plus à tendre vers une économie circulaire
– en matière de transport pour développer des alternatives écologiques et partagées
– mais aussi tout simplement en donnant l’exemple au quotidien en faisant une gestion éco-responsable des différents corps de l’État qui doivent se mettre au diapason.

Avec 365 actions référencées, je me dis qu’il doit y en avoir pour tous les goûts et que tout le monde peut y trouver son compte pour se lancer sur la voie du changement !

Rédigé par : Julien Vidal

Julien Vidal
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