Avec l’arrivée d’Edouard Philippe à Matignon, beaucoup d’observateurs annoncent un infléchissement de la politique énergétique en faveur du nucléaire. Alors que la transition énergétique a été très peu évoquée lors de l’élection présidentielle, les prochains arbitrages interministériels seront pourtant déterminants pour l’avenir du mix-énergétique français. Dans ce contexte, la nomination du prochain ministre de l’énergie ainsi que les compétences qui lui seront attribuées, révèleront sans doute enfin les intentions du nouveau chef de l’Etat…
Interrogé avant son élection, Emmanuel Macron a confié sa volonté de mettre en œuvre la transition énergétique. Face à Pascal Canfin du WWF, comme lors du Live organisé par Médiapart, il a confirmé la baisse du nucléaire à 50% du mix-électrique à l’horizon 2025. Toutefois, la partie du programme d’En Marche sur l’environnement ne donne pas d’indication précise sur les moyens de mettre en œuvre concomitamment l’Accord de Paris et la loi de transition énergétique.
La transition vers 50% de nucléaire, je vais la porter à l’horizon 2025. #MediapartLive
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 mai 2017
A peine élu à la Présidence de la République, Emmanuel Macron a reçu les félicitations du Syndicat des Energies Renouvelables et de l’Union Française de l’Électricité (UFE). Sous la direction de Julien Marchal, le mouvement En Marche a effectivement collaboré avec le SER pour préparer l’augmentation de la part des énergies renouvelables au sein du mix énergétique. Et après la désignation d’Edouard Philippe au poste de Premier ministre, on peut envisager que l’atome restera la pierre angulaire de la lutte contre le réchauffement climatique en France et en Europe. En effet, le chef du gouvernement est non seulement un élu de Normandie – une région très nucléarisée – mais il a été surtout l’ancien directeur des affaires publiques d’Areva.
Lire aussi – Présidentielle 2017 : faut-il conserver la transition énergétique en l’état ?
Dans un article publié par le journal économique La Tribune, la journaliste Dominique Pialot retrace les transformations du ministère de l’énergie, depuis le Grenelle de l’Environnement. Jusqu’à présent deux options ont été envisagées ; ainsi, de 2007 à 2010 les problématiques environnementales et énergétiques sont rattachées à un même ministère, tandis que de 2010 à 2012, la politique énergétique fût de nouveau confiée à Bercy, et plus particulièrement au secrétaire d’Etat à l’industrie de l’époque, Éric Besson. Finalement, avec la publication de son décret d’application en 2012, le ministère de l’environnement avait pu récupérer l’énergie comme compétence propre.
Quel(s) ministère(s) pour l’énergie et l’environnement dans le prochain gouvernement ? https://t.co/opimNJ84Hr
— LaTribune (@LaTribune) 10 mai 2017
A présent, plusieurs voix s’élèvent pour renforcer le poids de ce ministère au sein de l’exécutif. Par exemple, le juriste de l’environnement, Arnaud Gossement, n’envisage pas un retour en arrière… Au contraire, il suggère de nommer un vice-Premier ministre en charge du développement durable ; celui-ci serait alors “doté de moyens suffisants et d’un réseau de correspondants dans tous les cabinets ministériels, assurant la présidence d’un conseil national de la transition écologie, réformé pour nourrir le dialogue environnemental entre tous les acteurs concernés”. Parmi ces derniers justement, plusieurs ONG ont adressé un courrier à l’Elysée pour défendre “la pertinence d’un grand ministère, avec à sa tête un ministre d’État, numéro deux dans l’ordre protocolaire, en charge du développement durable (écologie, biodiversité, climat et énergie, transport, logement et urbanisme, aménagement du territoire, pêche et mer)”.
Jusqu’au dernier moment, plusieurs hypothèses pourront être envisagées afin de trouver un successeur à Ségolène Royal, à commencer par Ségolène Royal elle-même. En effet, dans l’éventualité où le ministère de l’énergie serait renforcé, on imagine aisément la présidente de la COP21 se porter candidate pour poursuivre son action. Outre sa connaissance des dossiers, Ségolène Royal dispose de plusieurs atouts, notamment sa proximité avec François Hollande, mais aussi en tant que femme incontournable de la vie politique française, elle aurait toute sa place au sein d’une équipe ministérielle qui devra être paritaire. De même, Nathalie Kosciusko-Morizet est une prétendante crédible. Connue entre autres pour son opposition farouche aux gaz de schiste, la candidate malheureuse à la Mairie de Paris a d’ores et déjà accepté la main tendue d’Emmanuel Macron.
Demain, la formation du Gouvernement sera un indice important sur la place de la transition écologique et énergétique dans le quinquennat…
— Arnaud Gossement (@ArnaudGossement) 15 mai 2017
Toutefois, d’autres profils ne peuvent pour l’instant être définitivement écartés. Parmi-eux, Matthieu Orphelin est sans doute celui qui s’est engagé le plus activement dans la campagne d’Emmanuel Macron. L’ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot est désormais candidat aux législatives dans la première circonscription Maine-et-Loire pour une majorité présidentielle, après avoir travaillé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Dès lors, Matthieu Orphelin n’apparaît-il pas comme le candidat idéal pour incarner le renouveau au ministère de l’énergie ?
Enfin, le président du groupe d’études énergies à l’Assemblée Nationale, Julien Aubert, pourrait également être une prise de guerre très intéressante pour le Président, alors que les deux hommes se sont rencontrés sur les bancs de l’École Nationale d’Administration (ENA), au sein de la promotion Léopold Sédar Senghor. En effet, le parlementaire du Vaucluse est l’ancien assistant du fondateur de la droite populaire, Thierry Mariani. C’est pourquoi, au moment où Emmanuel Macron tente d’abolir le clivage gauche/droite, la présence de Julien Aubert dans l’équipe gouvernementale permettrait de rassembler au-delà de l’aile centriste des républicains ! A suivre donc…
Lire aussi – « Il faut substituer aux énergies fossiles des énergies alternatives »