« L’électricité, incontournable pour l’efficacité énergétique et climatique » - L'EnerGeek

« L’électricité, incontournable pour l’efficacité énergétique et climatique »

électricité

L’Union Française de l’Electricité (UFE), est l’association professionnelle du secteur de l’électricité, elle représente 150 000 salariés. Au lendemain de la publication de son livre blanc, sa présidente, Christine Goubet-Milhaud, a accepté de revenir avec nous sur les enjeux du secteur pour 2017.

Pouvez-vous nous parler de vos estimations sur l’évolution de la consommation d’électricité en France (et dans le reste du monde) ?

Selon le scénario de référence du Bilan Prévisionnel de RTE publié en 2016, la consommation d’électricité en France devrait être proche de la stabilité lors des cinq prochaines années. Ce bilan estime en effet que la demande d’électricité française passera entre 2016 et 2021 de 479 TWh à 471 TWh. Cette légère baisse est la conséquence de deux tendances majeures : la diminution de la consommation d’électricité liée aux actions d’efficacité énergétique sur le territoire, et la hausse de la demande liée à l’essor de nouveaux usages tels que l’électromobilité ou les pompes à chaleur. Selon les prévisions de RTE, ces deux tendances vont peu ou prou s’équilibrer. Toutefois, si l’on accélérait les politiques de substitution entre énergies, notamment vers l’électricité peu carbonée, la consommation d’électricité pourrait augmenter légèrement. L’électricité est une solution dans la quête de l’efficacité climatique.

Au niveau mondial, l’AIE estime que la croissance de la consommation d’électricité sera supérieure à celle des autres énergies, avec un rythme de + 2% par an. Il faudra en effet équiper plus d’un milliard de personnes dans le monde qui n’ont pas encore accès à l’électricité et répondre à la hausse de la population (+ 1.5 Mds d’êtres humains d’ici 2030). De plus, les futures consommations d’énergies seront davantage électriques (électromobilité, objets connectés, Internet, digitalisation des secteurs industriels…). A titre d’exemple, l’Allemagne estime que l’électricité va passer de 25 à 50 % de son mix énergétique d’ici 2040.

La part des ENR au sein du mix-énergétique prévue par la loi de transition énergétique vous parait-elle satisfaisante (Hydroélectricité 2023 = environ 26 000 MW ; solaire 2023 = entre 18 et 20 000 MW ; éolien 2023 = entre 22 et 26 000 MW) ? Et réaliste compte tenu de leur intermittence notamment ?

Cette trajectoire est ambitieuse au niveau industriel, mais elle a été établie en cohérence avec les propositions mises sur la table par les filières professionnelles des énergies renouvelables. Ces chiffres sont cohérents avec une part des énergies renouvelables dans le mix électrique de 40 % en 2030, dont seule une partie n’est pas flexible (essentiellement l’éolien et le solaire). Les réseaux de transport et de distribution seront clés dans cette mutation de notre mix énergétique intégrant les nouvelles attentes.

L’équilibre du système électrique au niveau local, national, européen sera un défi technique qui suppose de s’appuyer sur les complémentarités entre les moyens de production, la mutualisation permise par les réseaux, la flexibilité de la demande et le stockage. Il y a encore des progrès à accomplir, grâce en particulier à la R&D, pour continuer à garantir la sécurité d’approvisionnement dans un système électrique qui évolue rapidement.

Votre commentaire sur le scénario négawatt ?

L’UFE souligne la dimension pédagogique du travail effectué par négawatt, qui attire l’attention sur différents leviers de décarbonation de l’économie française, comme l’électrification des usages mais aussi des leviers qui vont au-delà de l’énergie et qui sont parfois oubliés dans les débats sur la décarbonation, comme la réduction des déchets et l’évolution des habitudes alimentaires. Ce travail met au centre du débat les sujets de société et culturels. Cependant, plusieurs limites rendent les objectifs affichés quantitativement irréalistes :

· En 35 ans, modifier le chauffage des logements pour parvenir à 50% en PAC et 30% en biomasse (contre 8% de PAC et 1% de biomasse en 2017) ne semble pas réalisable.
· Le niveau de diminution de la mobilité des personnes et des marchandises implique un changement si profond de nos habitudes collectives qu’il supposerait en pratique une logique de contrainte difficilement acceptable.
· Alors que le scénario rappelle justement les inconvénients majeurs liés aux consommations d’énergies fossiles (changement climatique, décès liés à la pollution atmosphérique, déficit commercial…), et que la priorité pour le développement des énergies renouvelables devrait donc être la substitution de ces énergies, négawatt ajoute la contrainte de vouloir sortir au plus tôt et à tout prix du nucléaire, ce qui se traduit par d’importants coûts supplémentaires destinés à remplacer des actifs amortis par de nouveaux investissements dans des filières de production et dans des technologies de stockage encore peu matures.

D’après l’Agence Internationale de l’Energie, pour atteindre les objectifs climatiques de la COP21, l’intensité carbone d’un MWh devra passer de + de 400Kg à seulement 100kg en seulement deux décennies. Pensez-vous que la France réalise les investissements nécessaires pour tenir les engagements de la COP21 ?

La France est déjà dans cet objectif en matière de lutte contre le changement climatique. Le contenu carbone lié à la production électrique est autour de 40 kg CO2/MWh en France. Cela s’explique par le choix français d’orienter son mix de production électrique vers des énergies peu carbonées, comme l’hydroélectricité, le nucléaire et les autres énergies renouvelables (éolien terrestre, photovoltaïque).

Les Français émettent sensiblement moins de CO2 par habitant que la moyenne européenne, alors que le PIB français est supérieur à la moyenne. Les Français émettent également moins que leurs voisins allemands pourtant très avancés dans leur transition énergétique.

Au niveau européen, le mécanisme européen d’échange des quotas de CO2 est le principal outil de décarbonation de la production d’électricité. Or, le prix du CO2 est trop faible pour réellement déclencher la substitution du charbon par le gaz dans la production d’électricité européenne (5 €/tCO2). Un prix autour de 30 €/tCO2 permettrait d’encourager cette substitution.

Enfin, rappelons que l’électricité ne représente que 25% de la consommation d’énergie en France et que les enjeux climatiques nécessitent de traiter également les 75% restants, en particulier en décarbonant les usages de l’énergie dans le bâtiment et le transport.

Sur RMC face à Jean-Jacques Bourdin, le cofondateur de direct Energie, Xavier Caitucoli, affirme que “l’électricité n’étant pas stockable, le risque zéro de pénurie n’existe pas”, partagez-vous son point de vue sur le risque de pénurie ? Sinon, pouvez-vous rassurer nos lecteurs en évoquant brièvement “la gamme des technologies” de stockage existantes, ainsi que leur potentiel ?

Selon la réglementation française, le dimensionnement du système électrique français doit garantir une durée maximum de délestage qui soit au plus de 3 heures par an. Ce n’est donc pas le « risque zéro”. La question qui se pose est celle du coût que l’on est prêt à supporter pour faire face à un niveau d’aléa considéré collectivement comme « acceptable”.

On peut rappeler que le système électrique français est l’un des plus sûrs en termes de qualité de service, et ceci grâce non seulement à la fiabilité des moyens de production et de stockage mais aussi à la résilience des réseaux électriques, aux interconnexions avec les autres pays européens, et à la maîtrise de la demande (dont le recours à l’effacement). Le mécanisme de capacité, qui permet de mobiliser les moyens nécessaires au passage des pointes de consommation, a été lancé cet hiver. Ce mécanisme, technologiquement neutre, met en concurrence toutes les solutions disponibles pour assurer la sécurité d’approvisionnement au meilleur coût.

Le livre blanc de l’UFE va-t-il être remis aux candidats à l’élection présidentielle ? Et si oui, quelles sont vos retombées espérées ?

Le livre blanc sera remis à tous les candidats aux présidentielles afin de sensibiliser chacun à l’enjeu de société que représente l’énergie pour la France. La loi de transition énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie vont être mises en œuvre durant le prochain quinquennat, et il y a encore beaucoup à faire notamment en termes de fiscalité, pour aligner cet instrument majeur de politique publique sur les objectifs de lutte contre le changement climatique.

L’autre message majeur de l’UFE à destination des responsables politiques est justement « d’investir » le niveau européen afin de contribuer à définir une architecture de marché qui permette les investissements et qui garantisse aux consommateurs un niveau de prix compétitif et un rôle plus actif sur la maîtrise de leur consommation. La France a un rôle important à jouer au sein de l’Union européenne, en particulier en poussant une ambition forte sur le prix européen du CO2 et sur un cadre de régulation accompagnant la mutation des réseaux électriques.

Rédigé par : Christine Goubet-Milhaud

Christine Goubet-Milhaud
Présidente de l'Union Française de l'Électricité (UFE)
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COMMENTAIRES

  • 1 – En ce qui concerne la composition du mix énergétique, il faut définir, à la fois la production annuelle (TWh) et la puissance installée (pour assurer les pointes de consommation, en MW) pour chaque source d’énergie primaire (combustible et biomasse, nucléaire, eau, vent, soleil, mer…), en ne mélangeant surtout pas ce qui est garanti et ce qui est aléatoire.

    2 – L’incitation financière à la réduction des émissions de GES est actuellement quasiment nulle ; toutes les études sérieuses la chiffrent à plus de 100€/tCO², mais commencer à 50€/tCO² et prévoir un accroissement annuel défini permettrait de comparer valablement des options carbonées ou non, ce qui n’est pas fait.
    Il faudrait également apprécier en équivalent CO² les fuites de méthane dans le cas de l’usage du gaz naturel.
    Le stockage du CO² est souvent évoqué mais sans aucune réalisation concrète. Sans parler de projets farfelus tels que l’utilisation du CO² comme combustible pour s’en débarrasser !!, ou comme comburant pour brûler de l’hydrogène !!, etc.

    3 – Je comprends mal comment on peut prétendre que le risque zéro de pénurie soit garanti du fait que l’électricité ne soit pas stockable. C’est le contraire qui est un évidence.
    Actuellement, le seul moyen connu pour stocker de l’énergie en quantité notable est l’hydraulique, qui accumule de l’eau en altitude grâce à l’édification de barrages.
    L’accent est très justement mis sur la qualité du système électrique français, qui garantit que les délestages ne durent pas plus de 3 heures. On peut craindre que les impératifs que l’on veut imposer à la mise en oeuvre et l’exploitation de ce système, en ne respectant pas des exigences techniques incontournables, conduise à une dégradation importante de cette garantie.
    Les problèmes posés au niveau de l’hexagone par l’interconnexion de toutes les centrales, se posent de la même manière du fait de l’interconnexion des systèmes de tous les pays de l’Europe. La garantie de l’ensemble peut être améliorée, mais ne sera pas acquise d’emblée.

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