Jean-Louis Bal juge la PPE ambitieuse mais réaliste - L'EnerGeek

Jean-Louis Bal juge la PPE ambitieuse mais réaliste

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), approuvée par décret le 27 octobre dernier, est une étape fondamentale dans la transition énergétique engagée en France depuis août 2015. Elle doit appuyer le développement des énergies renouvelables et, à terme, tracer les orientations et les actions concrètes pour décarboner et diversifier le mix énergétique tricolore.

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“L’Energeek” a demandé à Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), ce qu’il pensait de la PPE et quelles étaient, selon lui, les actions à entreprendre pour développer de manière effective les énergies propres en France.

Quel regard portez-vous sur la PPE ?

Jean-Louis Bal : Les objectifs globaux qui sont dans la loi (relative à la transition énergétique pour la croissance verte – LTECV – ndlr) nous satisfont pleinement : 32 % d’énergies renouvelables (EnR) en 2030 – 40 % sur l’électricité&, 38 % sur la chaleur, 15 % dans le transport, 10 % sur le gaz injecté sur le réseau. Pourtant, avoir des objectifs c’est bien mais ça ne suffit pas. On l’a vu avec les lois Grenelle où pour 2020 on avait des objectifs ambitieux – 23 % en 2020 pour les EnR. Le problème c’est qu’il n’y avait pas de pilotage et les moyens pour atteindre ces objectifs n’étaient pas définis par la loi.

Bilan du Fonds chaleur (mis à jour le 2 mai 2016)
Bilan du Fonds chaleur (mis à jour le 2 mai 2016). Source : ministère de l’Environnement

Le vrai progrès apporté par la LTECV c’est l’instrument de pilotage qu’est la PPE. Elle comprend des objectifs à plus court terme (2018 et 2023) filière par filière en totale cohérence avec les objectifs de long terme. Et, surtout, la définition des moyens financiers, comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique et le budget du fonds chaleur accordé à l’Agence de l’environnement et de maitrise de l’énergie (ADEME).

Depuis les lois Grenelle, on est passés de 9 à 15 % de renouvelables, ce qui n’est pas pleinement satisfaisant pour atteindre les 23 % en 2020. En suivant les tendances actuelles, on devrait être à environ 18 % seulement. Et encore, nous travaillons uniquement sur le numérateur, le dénominateur étant la consommation qui, contrairement à ce qui était prévu dans les lois Grenelle, n’a pas diminué. Elle est plus ou moins stable actuellement, moins par progression de l’efficacité énergétique qu’à cause de la crise économique. La consommation dans certains secteurs – l’industrie par exemple – a diminué, ce qui grossit mécaniquement la progression des EnR. Nous pensons donc que c’est globalement ambitieux mais réaliste.

Que faudrait-il mettre en place pour atteindre les objectifs ?

Si l’on prend la filière photovoltaïque, où la progression devrait atteindre environ 1 500 MW par an – alors que, pour le moment, nous sommes à 700 ou 800 MW -, nous réclamons depuis plusieurs années d’avoir des volumes d’appel d’offres plus élevés que dans le passé. Et, surtout, une programmation de ces appels d’offres. Ségolène Royal en a lancé plusieurs sur trois ans avec des sessions intermédiaires ; on espère que ça ne sera pas remis en cause par le prochain gouvernement.

Concernant l’éolien, le rythme est aujourd’hui compris entre 1 000 et 1 100 MW par an, alors qu’il faudrait atteindre 1 500 à 1 800 MW. Les obstacles à surmonter se situent surtout au niveau de l’encadrement des procédures puisque les projets sont bien présents. Il y a notamment la question des recours devant les tribunaux administratifs contre lesquels le gouvernement ne peut pas grand chose, même si la grande majorité sont rejetés.

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Schéma issu du rapport CCE5 n°1 de l’ANFR, 2005

On a également un problème à résoudre avec tous les radars, qu’ils soient civils ou militaires. Les zones d’exclusion autour des installations bloquent de 3 à 4 000 MW aujourd’hui. Il y a un périmètre d’exclusion autour duquel on peut demander l’autorisation à Météo France ou à l’aviation civile, mais on dépend du bon vouloir de ces administrations.

Sur la partie production de chaleur, Ségolène Royal a annoncé qu’elle doublerait le fonds chaleur, mais pour le moment on n’a rien vu arriver. Or les dossiers de demande de financements qui arrivent à l’ADEME sont bien supérieurs au budget dont l’Agence dispose. De plus on est dans un contexte de baisse du prix des combustibles fossiles. Ce qui serait important c’est de pouvoir confirmer l’évolution de la contribution climat-énergie, fixée sur le prix du CO2 ; il faudrait a minima la maintenir voire l’augmenter en fonction de l’évolution du prix des combustibles fossiles, et en exclure les bioénergies (biocarburants et biogaz, biométhane injecté dans le réseau).

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Enfin, pour le biométhane injecté dans le réseau justement, les objectifs sont ambitieux : 10 % en 2030, soit 8 TWh à l’horizon 2023. Il faudrait qu’on puisse adapter le tarif d’achat du biométhane injecté, qui semble aujourd’hui insuffisant et pour lequel l’ADEME a engagé une étude de premier retour d’expérience sur la vingtaine d’installations opérationnelles. Étude qui devrait permettre de réévaluer le tarif du biométhane injecté.

Que pensez-vous de la place du nucléaire dans la PPE ?

Dans la PPE, la place du nucléaire n’est pas très précise et il n’y a rien qui soit compatible avec l’objectif de 50 % de nucléaire en 2025. Objectif qui au passage ne semble pas très réaliste. On va arriver progressivement à la date où les centrales nucléaire existantes devront être soit prolongées soit être remplacées. Si l’on veut rester avec une faible émission de CO2 dans la production d’électricité, on est obligé de se tourner vers le nucléaire nouveau – comme les EPR – ou vers les EnR. De plus, avec les prix qu’on atteint aujourd’hui sur l’éolien et le photovoltaïque, il nous semble que la combinaison EnR et gaz, pour gérer la variabilité des ces énergies, est une alternative économiquement acceptable. Sachant que le gaz va devenir de plus en plus renouvelable avec l’injection de biométhane, et que l’hydraulique est déjà bien adapté pour cette variabilité.

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On parle de plus en plus d’autoconsommation et de stockage d’électricité, qu’en est-il aujourd’hui ?

Le stockage hydraulique dans les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage, ndlr) existe déjà (entre 5 et 6 GW en France), même si on a encore un potentiel pour faire 2 GW au moins.
Il faudra effectivement regarder de près ce qui est en train de se passer du côté du stockage sur batterie.

Pour l’autoconsommation, il faut bien distinguer deux types : chez les particuliers où la consommation n’est pas en phase avec la production, il faudra probablement aller vers du stockage. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui on ait des prix du stockage acceptables, mais il y a une demande sociale sur le sujet et un marché qui se développe, même s’il n’est pas complètement pertinent. Deuxièmement, il y a des particuliers qui ont des consommations pendant la journée adaptées à leur production d’électricité et qui ne nécessitent pas de stockage. Dans le tertiaire c’est la même chose : vous avez des consommations essentiellement pendant la journée, ce qui est particulièrement bien adapté à une pratique d’autoconsommation.

N’est-ce pas paradoxal de défendre les EnR tout en comptant Total dans votre Conseil d’administration ?

Total est comme les grands énergéticiens, c’est une entreprise en pleine évolution. Leur cœur de métier reste le combustible fossile mais ils ont aussi entamé une transition vers les EnR. Maintenant, c’est vrai que comparé aux investissements faits dans les énergies fossiles c’est une part qui est minoritaire. Mais on ne peut demander à une entreprise comme Total de changer du jour au lendemain. D’ailleurs on n’est plus comme dans les années 90 où les pétroliers avaient une activité renouvelable marginale. Aujourd’hui, pour Total, les investissements dans Sunpower (fabricant de panneaux solaires, filiale de Total, ndlr) et dans Saft (leader français des batteries que Total veut racheter, ndlr) sont des investissements industriels et qui préfigurent l’évolution à venir de l’entreprise.

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Rédigé par : Jean-Louis Bal

Jean-Louis Bal
Président du Syndicat des énergies renouvelables
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