Marché de capacité et dissension franco-allemande - L'EnerGeek

Marché de capacité et dissension franco-allemande

Cordemais_EDFC’est certain, la France et l’Allemagne ont des visions assez différentes en matières de politiques énergétiques, et un nouveau point de désaccord pourrait prochainement poindre concernant le maintien des capacités de production nécessaires à la sécurisation du réseau. Le gouvernement français entend en effet mettre en œuvre dans les prochaines années un nouveau marché de capacité destiné à garantir l’approvisionnement électrique par un système de rémunération des énergéticiens. Un nouveau dispositif de subventions que le gouvernement allemand, craignant une nouvelle dérive des aides étatiques, trouve risqué.

Marché de capacité et garantie de l’approvisionnement électrique

Le gouvernement français a promulgué un décret qui prévoit la mise en place d’un mécanisme d’obligations de capacité à partir de l’hiver 2016/2017 pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité. Comme le précise Les Echos, ce marché de capacité prévoit de verser une rémunération supplémentaire à l’exploitant “s’il peut garantir que sa centrale pourra produire de l’électricité un instant t“. Un dispositif destiné avant tout à sécuriser l’approvisionnement électrique lors des pics de consommation très fréquents  en hiver, et qui propose alors de rémunérer les centrales qui ne fonctionneront que pour répondre à ces augmentations ponctuelles de la consommation.

Si les détails et les besoins de ce marché de capacité ne sont pas encore connus à l’heure actuelle, les centrales thermiques au fioul, rapidement mobilisables, auront nécessairement un rôle à jouer pour garantir l’approvisionnement et assurer l’équilibre du réseau. Les règles de fonctionnement de ce marché devraient donc largement influencer les choix des groupes énergétiques quand à l’avenir des tranches fioul du parc français.

Toutefois, la nouvelle réglementation européenne environnementale prévue pour 2016 impose de nouveau un abaissement des plafonds des émissions de gaz à effet de serre. Des mesures en accord avec le plan de lutte contre le changement climatique, mais qui nécessiteront une adaptation technique et une modernisation des moyens de production thermique.

Le parc thermique et la gestion des pics de consommation

Dans cette optique, du notre côté du Rhin, le groupe EDF a entrepris depuis plusieurs années d’expérimenter de nouvelles technologies de production thermique au fioul comme les brûleurs de type “bas NOx” sur les sites de Cordemais et de Porcheville et qui permettent de réduire les émissions d’oxyde d’azote. Une meilleure répartition de la flamme dans la chaudière et l’utilisation de fiouls bas soufre plus pauvres en azote devraient également être généralisées à l’ensemble du parc thermique au fioul du groupe, un parc qui représente actuellement une puissance installée de 5200 MW dont 4 tranches de 600 MW localisées à Porcheville, 2 tranches 700 MW localisées à Cordemais et 2 tranches 700 MW localisées à Aramon.

Toutes ces initiatives sont destinées à répondre aux nouvelles exigences environnementales et à prolonger ainsi la durée de fonctionnement des tranches fioul jusqu’en 2023. Le cadre dérogatoire des nouvelles directions “IED” sur les émissions industrielles leur permettront en effet de fonctionner sur la période 2016/2023 (mais pas au-delà), avec un maximum d’heures cumulées de 17500 heures.

Ajouté à cela, la réduction des coûts de fonctionnement est également une condition incontournable de la poursuite d’exploitation des tranches fioul et EDF a décidé dans ce cadre, de mettre en œuvre des arrêts longs d’été (AGL). Les économies réalisées par les arrêts longs d’été seront d’une dizaine de millions d’euros par an à partir de 2016. Leur montant sera progressif en fonction de l’adaptation de l’organisation à cette utilisation réduite des tranches, avec notamment un nouvel échelonnement de la maintenance lié à la moindre sollicitation des machines.

Les réticences allemandes à l’égard du marché de capacité

Le gouvernement allemand reste quant à lui des plus septiques quant à la mis en place d’un nouveau système de soutien étatique. Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour Urban Rid, directeur général de l’énergie au ministère allemand de l’Energie, qui craint ici de voir s’installer sur le long terme de nouvelles dérives rentières pour les énergéticiens, comme il a pu se produire sur le marché des énergies renouvelables.

Mais comment dans ce cas, parvenir à garantir l’approvisionnement électrique en cas de pics de la consommation ? Pour le moment, l’autorité de régulation énergétique allemande dispose jusqu’en 2017 du droit d’interdire la fermeture de toute unité de production pouvant nuire à la stabilité du réseau. Une solution valable à court terme mais qui ne peut être que provisoire.

Si le ministre allemand de l’Economie et de l’Energie, Sigmar Gabriel, n’a pas encore exprimé clairement sa position sur le marché de capacité proposé par le gouvernement français, il estime que d’autres solutions sont possibles pour inciter les exploitants à maintenir disponible des capacités de production suffisantes.

Crédits photo : EDF

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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COMMENTAIRES

  • Nous connaissons déjà une espèce de rentes de situation ; les obligations d’achat pour le solaire et le PV.
    Il est paradoxal que les autorités allemandes qui ont fait naître et encourager ce type de rente s’inquiètent de ce que la rémunération de la puissance garantie constitue une nouvelle rente. En effet, la deuxième rente ne fait que découler logiquement de la première si on veut concilier l’intermittence (ainsi que l’aléarité) des énergies renouvelables subventionnées avec l’exigence des consommateurs de pouvoir disposer 24 h/24
    d’un courant parfait calibré à 50 Hz. A cela s’ajoute qu’on ne peut, à la fois, fermer les centrales nucléaires, installer plus de 30 000 MW d’éolien et 25 000 MW de PV et continuer à se proclamer champion écologique en déversant des fumées soufrées sur toute l’Europe occidentale. (bravo la lignite).

    Je constate enfin que le CO2 voué à toutes les gémonies par les “bien-pensants” il y a quelques années est relégué au niveau des inconvénients mineurs, maintenant; cherchez l’erreur !

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  • Je ne suis pas sûr que ce débat ne parte pas d’un malentendu ou d’une lecture trop rapide de ce qu’entend la France par “Marché de Capacité”.
    Je n’ai pas compris pour ma part que ce marché reposait sur un soutien de l’Etat sous forme de subvention ou tout autre forme que ce soit. Bien au contraire, l’Etat impose aux “obligés”, notamment les fournisseurs d’électricité d’avoir entre leur main une capacité de production, en puissance, capable d’assurer les pics de consommation que pourrait appeler leur portefeuille de consommateurs. Charge à eux donc, de montrer qu’ils ont cette capacité. Ce mécanisme crée une nouvelle entité, la garantie de capacité qui peut se vendre et s’acheter, et permettre ainsi aux fournisseurs, ou obligés de remplir leurs obligations, en ce fournissant en capacité auprès de producteurs, ou de consommateurs (effacement).
    Je ne vois pas en quoi il y aurait quelconque rente reposant sur les deniers publics, dans le marché de capacité.
    De plus le fioul n’est pas la seule réponse à ce marché de capacité, ce dernier offre en effet une autre manière de valoriser l’effacement de consommation, une méthode vertueuse économiquement et environnementalement.

    Clément Bonafé

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